Sarkozy : la droite laxiste
À entendre les partisans de Nicolas Sarkozy, la sévérité de la justice est insupportable. La conclusion est claire : pour éviter à l’avenir ce genre de condamnation, il faut d’urgence rendre la loi plus douce.
Personne ne peut se réjouir de voir un ancien président de la République en prison. D’abord parce que l’incarcération d’un homme – ou d’une femme – n’est jamais un motif de joie. Ensuite parce que l’institution présidentielle est par définition atteinte dans cette affaire, donnant de la France une image dégradée et humiliante.
Une fois rappelé ce préalable élémentaire, il faut tout de même se poser une question : en organisant une campagne vindicative et tonitruante contre la justice française, les médias de droite et les amis de Nicolas Sarkozy ont-ils vraiment conscience de ce qu’ils font ? Car, à les suivre, il faut d’urgence réformer le code pénal pour en ôter les lois qu’ils ont eux-mêmes votées et qu’ils tiennent soudain pour arbitraires.
Dans son éditorial vengeur contre « l’autorité judiciaire » (manière de souligner que la justice est seconde par rapport à l’exécutif), Le Figaro écrit ceci : Nicolas Sarkozy « a été reconnu coupable d’ association de malfaiteurs », forme judiciaire de la fable « si ce n’est toi, c’est donc ton frère, c’est donc quelqu’un des tiens ». Si cette incrimination est aussi arbitraire que l’affirme l’organe de la droite française (qui peste par ailleurs en permanence contre l’indulgence excessive des juges), il faut d’urgence la supprimer.
Supprimons donc, et libérons, non seulement Nicolas Sarkozy, mais aussi tous ceux qui ont été condamnés en vertu de cette inique « association de malfaiteurs » : parrains de la drogue, braqueurs professionnels, escrocs de haut vol, etc. On attend avec impatience le mouvement de protestation que ne manquera pas de lancer le Figaro pour éliminer cette disposition moyenâgeuse. Elle permettra de limiter les condamnations à ceux qui se livrent eux-mêmes à des activités délinquantes, en épargnant ceux qui les organisent sans y participer directement. Incontestable progrès, dont le Figaro s’honorera d’être l’initiateur…
Le même journal écrit encore : « la justice est frappée du soupçon d’arbitraire, de vengeance idéologique, de volonté de puissance : la balance serait-elle détraquée ? » Il suffit donc d’un « soupçon d’arbitraire » (et non de preuves d’arbitraire) pour dénoncer aussitôt les nombreux juges ayant pris part aux trois condamnations qui frappent l’ancien président.
L’accusation est grave : selon ces éditorialistes soudain convertis au « droit-de-l’hommisme », les magistrats français des différentes cours qui ont eu à traiter le cas Sarkozy (près d’une centaine) n’ont pas hésité à condamner par trois fois un innocent. Si tel est le cas, nous avons affaire à une triple réédition de l’affaire Dreyfus ou, selon la référence utilisée par l’intéressé, de l’affaire Edmond Dantès. Dès lors, la conclusion s’impose d’elle-même : il faut urgemment chasser de la magistrature ces juges qui ont, de manière si provocante et manifeste, manqué à leur devoir.
Pour faire bonne mesure, il faut également débarrasser le code pénal de cette inéligibilité d’application immédiate qui risque de priver Marine Le Pen de sa candidature à la présidentielle, autre disposition scélérate qui consacre « le gouvernement des juges ». Ainsi, quoique condamnée sur la base d’un dossier que la plupart des observateurs s’accordent à trouver accablant, la cheffe du Rassemblement national pourra se présenter à l’élection suprême. Après tout, selon le mantra dont usent les hommes politiques dans ce genre de circonstance, « c’est l’électeur qui décide ». De quoi se mêlent donc les juges en s’attaquant aux élus ? Ceux-ci doivent bénéficier d’un privilège qui les distinguera enfin des citoyens lambda…



