Sarkozy : un bracelet pour Noël
L’ancien président est condamné définitivement dans l’affaire dite « Bismuth ». Une décision qui pourrait en annoncer d’autres, pour lui et son entourage, dont le comportement finit par faire système…
Il aura beau crier au complot des juges, le voici rattrapé par la patrouille et serré au collet. Il a bataillé depuis des années avec l’aide des meilleurs avocats de France, mais il est définitivement condamné après le verdict final de la Cour de Cassation : trois ans de prison dont un an ferme dans l’affaire dite des écoutes téléphoniques.
La peine étant aménagée, Nicolas Sarkozy n’ira pas en prison mais il portera un bracelet électronique comme un vulgaire repris de justice. Il sera écroué, avec un numéro d’écrou, considéré comme détenu, et exécutera sa peine sans doute à son domicile. Il devra négocier ses sorties. Une peine inédite pour un Président sous la Vème République. Auparavant, seul Jacques Chirac avait été pénalement condamné mais avec sursis et à l’âge de 79 ans. Il n’avait pas fait appel.
Coulé mais pas vaincu, Nicolas Sarkozy déposera un recours non suspensif devant la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH), celle dont la droite ne cesse de combattre la légitimité, pour demander la révision de sa condamnation. Son avocat Patrice Spinosi, argue que « des écoutes entre un client et un avocat ne peuvent pas être utilisées », et assure que Nicolas Sarkozy est condamné pour un « pacte de corruption avec un magistrat pour une démarche qu’il n’a pas faite et en contrepartie d’une promotion dont le magistrat n’a pas bénéficié ». Forcément injuste donc sa peine, dénonce Nicolas Sarkozy, assez furieux pour se placer dans l’extravagante situation d’en appeler à une Cour européenne pour qu’elle condamne la France qu’il a présidée.
Tout commence il y a dix ans quand ayant à peine quitté l’Élysée, Nicolas Sarkozy est mis en examen pour abus de faiblesse dans l’affaire Bettencourt. Plus de peur que de mal, il se félicite d’obtenir rapidement un non-lieu. Et assure qu’il ne se laissera pas intimider par les juges qui auraient, dit-il, ourdi un vaste complot contre lui.
Mais lors de l’enquête sur l’affaire Bettencourt, ses agendas ont été saisis. Inquiet, il cherche à tout prix à les récupérer et forme à cet effet un pourvoi en cassation. Afin de pouvoir discuter des manœuvres projetées sans oreille indiscrète, son avocat Thierry Herzog ouvre une ligne téléphonique prépayée au nom de Paul Bismuth, son ami d’enfance, au collège puis au lycée. Pour ces agissements, il est condamné aujourd’hui à trois années d’interdiction d’exercer.
Entre alors dans la danse un troisième larron, Gilbert Azibert, ancien haut magistrat à la Cour de cassation à qui Nicolas Sarkozy et son avocat demandent de recueillir de précieuses informations en échange d’un renvoi d’ascenseur visant à le promouvoir au poste prestigieux de conseiller d’Etat à Monaco. Ironie du sort, c’est bien la même Cour de Cassation qui vient de le condamner.
On pourrait croire au dernier épisode d’une bande dessinée des Pieds Nickelés – d’autant que le coup de mains n’a pas eu lieu -, si dans cette histoire Filochard, Croquignol et Ribouldingue n’avaient été si lourdement sanctionnés. Acharnement des magistrats ? L’un de leurs syndicats avait affiché la tête de Sarkozy sur le « mur des cons » après que lui-même les eût traités dès le début de son quinquennat de « petits pois, même couleur, même gabarit, même absence de saveur ». Ambiance …
Mais l’affaire Bismuth n’est que la première d’une série d’autres affaires qui empoisonnent la vie de Nicolas Sarkozy depuis qu’il n’est plus président de la République bénéficiant de l’immunité. D’abord, l’affaire Bygmalion où de fausses factures auraient été émises lors de sa campagne présidentielle de 2012 et pour laquelle il a attend le verdict de la Cour de Cassation alors qu’il a été aussi condamné à un an de prison en appel.
Ensuite, celle plus sérieuse dite du financement libyen de sa campagne électorale de 2007 qui si elle était avérée pourrait lui coûter jusqu’à dix années de prison et dont le procès doit se tenir en 2025. Sa femme Carla Bruni y est, elle aussi, mise en examen. Elle aurait pris – décidément – une ligne téléphonique cachée, baptisée « Alexandre » pour échanger avec la communicante Mimi Marchand, passée par la case prison, et qui orchestrait la fausse rétractation de l’homme d’affaires Ziad Takieddine, dans son témoignage contre Nicolas Sarkozy.
Que dire du système qui entoure Nicolas Sarkozy quand son ex-directeur de cabinet Claude Guéant, a été condamné à deux ans de prison dont un ferme pour avoir versé des primes en liquide dans l’exercice de ses fonctions après une obscure histoire de tableaux qu’il aurait vendus 500 000 euros sans que l’on ne puisse déterminer l’origine des fonds qui pourraient eux aussi, venir de Lybie. Et du couple Balkany, Patrick et Isabelle, amis inséparables depuis cinquante ans de l’ancien chef de l’Etat, remis en liberté à la suite de l’incarcération du maire de Levallois.
Quant à Rachida Dati qui ne manque pas une occasion de se revendiquer de celui qui l’avait nommée Garde des Sceaux, elle n’a pas obtenu le 2 juillet la prescription qu’elle espérait et attend son procès après sa mise en examen dans l’affaire Renault-Nissan où elle peine à justifier des 900 000 euros d’honoraires qu’elle a touchés en trois ans.
Depuis dix ans, Nicolas Sarkozy dénonce un vaste complot des juges qu’il accuse de le poursuivre au nom de motifs plus politiques que judiciaires. Il y a du Bernard Tapie en lui, convaincu que les affaires lui ont fait perdre la présidentielle de 2012 et la primaire de 2016. Condamné, il refuse de reconnaître son égarement et peine à sauver son honneur.
Dans quel monde a-t-il vécu, selon quelles règles et avec quels passe-droits ? Un monde de surpuissance où il s’est cru tout permis.