Serons-nous lâches ?
Donald Trump piétine tous les principes qui soutiennent nos démocraties, dans tous les domaines. Face à lui, l’Europe se complait dans la sidération.
Il se passe des choses bien étranges aux États-Unis[1]. On a peine à se souvenir que le Président Trump n’est en place que depuis un mois !
Commençons par les vengeances personnelles : tous les observateurs ont déjà observé, médusés, le pardon aux insurgés du 6 janvier, condamnés pour violences sur la police, la rétrogradation d’officiers supérieurs qui avaient osé critiquer l’actuel Président alors qu’il ne l’était pas encore, l’éviction des services de Sécurité de plusieurs anciens responsables gouvernementaux…
Puis vinrent les nominations les plus absurdes du gouvernement : un antivax à la santé, un présentateur de télé à la Défense, une élue pro-russe en charge des services secrets etc… Sans parler de ce nouveau « Bureau de la Foi », sans doute créé pour être bien vu à Téhéran
Le fait qu’Elon Musk, qui n’est pas élu, ait décidé de fermer l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAid) en la qualifiant de « diabolique » marque le peu de respect de la nouvelle administration pour le Congrès qui a créé l’USAid en tant qu’agence indépendante. 40 milliards effacés d’un trait de plume. Et un nombre incalculable de victimes dans le vaste monde.
Notons au passage la décision stupéfiante de supprimer toute loi réprimant la corruption d’argent étranger par les entreprises américaines.
Mais le plus étonnant est peut-être le coup d’État numérique qui est en cours. Quelques nervis de Musk ont obtenu un accès aux systèmes informatiques du Trésor Américain, qui contrôlent tous les paiements fédéraux : chèques de la sécurité sociale, salaires des fonctionnaires, paiement aux gouvernements des États et collectivités locales, aux institutions éducatives et financières, aux fournisseurs et sous-traitants, aux ONG, aux États étrangers, etc. Le potentiel de falsification, de détournements et pour tout dire de manipulation est immense. Sans précédent.
Même chose en matière internationale.
Faire chanter ses alliés n’est pas une pratique commune en diplomatie. C’est ce que fait le Président Américain en les traitant comme des vassaux. En négociant directement avec Poutine l’abandon de territoires conquis par la force il trahit l’Ukraine et traite les Européens en supplétifs. Il n’hésite d’ailleurs pas à menacer ses partenaires commerciaux d’une hausse inédite de tarifs douaniers. Le Canada et le Mexique se sont inclinés devant les exigences de Washington. Mais les coûts à moyen terme sont importants, pour l’inflation américaine en particulier et l’économie mondiale en général. En sortant du Traité de Paris sur le climat (« drill, baby, drill »), de l’OMS et de l’OMC le Président américain porte un coup très rude à un multilatéralisme déjà mal en point.
Quant à la morale la plus élémentaire… qui s’en soucie ? Dire à Kiev que Washington continuera de soutenir l’Ukraine si le pays met à disposition de l’Amérique ses terres rares, c’est s’inspirer des pratiques mafieuses à Chicago dans les années 30. Dire au Danemark qu’on veut s’emparer du Groenland pour des raisons stratégiques c’est mentir : les Américains convoitent simplement les ressources minières de ce territoire, avec, disons-le une mentalité coloniale. Enfin en proposant de transformer Gaza en un paradis sur le modèle de la Riviera, Donald Trump risque de mettre une nouvelle fois le feu dans une région déjà ensanglantée. On aimerait être sûr que ce n’est pas pour servir de grands intérêts immobiliers…
L’oncle Sam est devenu Ubu roi. Face à lui l’Europe semble saisie de sidération. Un silence proche de la lâcheté.
[1] NB – Les Échos du 10 et du 11 février 2025