Sexisme : la trumpisation des esprits
Triste bilan à l’occasion de la journée nationale contre le sexisme, ce 25 janvier. Le masculinisme progresse en France, surtout chez les jeunes. Même si des contrefeux commencent à se mettre en place.

Des hommes de plus en plus masculinistes, des femmes qui ont peur, en particulier dans les plus jeunes générations, le constat du dernier rapport du HCE (Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes) confirme les résultats inquiétants mis en lumière par les deux études précédentes. D’année en année, le mal s’aggrave. Chez les 25-34 ans, la poussée viriliste chez les hommes provoque un malaise croissant chez les femmes.
Quelques chiffres glaçants : dans cette catégorie d’âge, 28% des hommes reconnaissent avoir forcé une femme à avoir un rapport sexuel, et 51% des femmes déclarent avoir subi une situation de non-consentement, davantage encore que les 40% ( +3 points) pour l’ensemble d’entre elles. Les clichés machistes ont la vie dure : 76% des hommes (+6 points) pensent que les femmes doivent être fidèles en amour. Chez les 15-24 ans, 53% des hommes estiment qu’il faut savoir se battre et 13% qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter.
Bilan : les jeunes femmes ne vont pas bien. Elles sont 86% à déclarer qu’il est difficile d’être une femme (jusqu’à 94% chez les 15-24 ans), la même proportion dit avoir déjà vécu une situation sexiste, et neuf sur dix affirment avoir mis en place des stratégies d’évitement pour y échapper. Seulement 12% des plus jeunes se sentent bien protégées. Logiquement, plus des deux tiers des femmes regrettent le manque d’efficacité des pouvoirs publics dans la lutte contre le sexisme et les violences sexuelles.
Cette évolution à rebours des combats féministes menés ces dernières années par les associations comme par les gouvernements, appelle une réaction forte. Le « backlash » masculiniste a déjà fait des ravages aux États-Unis, où Donald Trump et ses séides en profitent pour encourager le retour aux « valeurs traditionnelles », c’est-à-dire au patriarcat et à ses inégalités. En France, trois débuts de réponses viennent d’être apportées, encore trop limitées, mais qui ont le mérite d’exister.
Premier contrefeu, essentiel : l’éducation sexuelle. Elisabeth Borne vient d’annoncer qu’elle serait enfin mise en place à la rentrée prochaine. Cela fait 23 ans que la loi la prévoyant n’était pas appliquée. Trois séances par an tout au long de la scolarité sont prévues pour permettre aux élèves de s’informer et surtout d’apprendre la culture du respect, de l’égalité et du consentement. Reste à espérer que dans ce ministère sinistré, l’intendance suivra…
Deuxième mesure : l’introduction de la notion de consentement dans le Code pénal. Un rapport parlementaire transpartisan vient de plaider en ce sens. Un vote pourrait intervenir avant l’été. Même si certaines féministes ont des réticences sur cette évolution (craignant que la nouvelle formule ne se retourne contre les victimes de viol), la proposition de loi a le mérite d’élargir le spectre des cas où les hommes pourront être accusés. « Céder n’est pas consentir » pourront plaider les femmes. Objectif : augmenter le nombre de condamnations d’un crime encore trop impuni. Et donc décourager les « amateurs », façon Mazan ou autre…
Troisième piste : la lutte contre l’intoxication par les images de violences sexuelles véhiculées dans les vidéos pornographiques. La loi SREN sur le numérique a prévu que les séquences de torture et de barbarie puissent être éliminées d’internet par PHAROS, la cellule du ministère de l’Intérieur. Le décret d’application a fini par être rédigé, il est en relecture au Conseil d’Etat. Sa mise en œuvre sera capitale dans la chasse aux modèles toxiques offerts aux jeunes et moins jeunes, diffusés gratuitement et à grande échelle sur la toile.
Il manque évidemment à ces avancées des moyens d’ampleur, financiers et humains, pour atteindre leurs objectifs. Il faut recruter et former des équipes pour éduquer, juger, contrôler. Voilà des années que les associations, réunies notamment dans ECLS (Ensemble contre le sexisme) réclament des mesures d’ampleur. En ces heures de disette budgétaire, éviter que la prochaine journée nationale contre le sexisme le 25 janvier 2026 ne fasse le même constat qu’aujourd’hui paraît relever de l’Himalaya. Il ne faut pas se décourager de grimper…