S’habituer à Trump, vraiment ?
L’accoutumance est un poison mortel quand elle est synonyme de résignation devant la catastrophe qui se profile. C’est ce que nous vivons avec les décisions toujours plus folles de l’administration américaine.

Alors que ses épigones s’efforcent de saper les acquis démocratiques dans plusieurs pays européens – à l’instar de la Pologne -, des alternatives pratiques et résilientes, émergent. Seront-elles au rendez-vous avant qu’un coup de grisou ne porte les régressions sociales, sociétales et environnementales à un niveau inconnu ?
Le fond de l’air est chaque jour plus pollué par les choix stupides du Fou furieux du Bureau ovale. Dernière en date de ses piteuses embardées, celles qui, à la faveur de cette invraisemblable ligne Maginot des droits de douane, alimentent la perspective d’une crise majeure en matière de dettes souveraines, de dettes des entreprises et des particuliers. Les taux sont en forte hausse et font craindre, au mieux, un étranglement du crédit et au pire un effondrement qui ravagerait toute la planète, en particulier les contrées les plus pauvres.
Un remake dans un autre contexte et sur un autre mode des grandes crises, de 1929 à celle des subprimes. L’OCDE vient de mettre en garde sur les effets de la croyance souverainiste primaire en la relocalisation forcée. « Elle pourrait abaisser le commerce mondial de plus de 18% et le PIB mondial de plus de 5% », le sinistre annoncé est quantifié et ses effets seraient sans précédent.
Y faire face comme aux ratés diplomatiques qui s’accumulent de l’Ukraine à Gaza à la faveur de ces « formidables » négociations fantasmées par Trump suppose non une défense improbable d’un statu quo qui n’existe plus, mais un ensemble de contre-mesures fortes. C’est jouable sur les dettes souveraines à l’échelle des vingt-sept, voire en y associant les Britanniques et d’autres partenaires désireux de se sortir du piège.
Revenu de Bercy, Bruno Le Maire lui-même en a tracé les contours : ceux d’une gestion commune des excédents au-delà des 50 % d’endettement par pays du ratio dette sur PIB confiés à la Banque Centrale Européenne (BCE). Tous et chacun des États membres ne peuvent qu’y gagner en solidité budgétaire. C’est en outre la condition pour garantir les investissements colossaux nécessaires à la transition énergétique et écologique. La situation de Paris ou de Berlin y invite de manière urgente, plutôt que la recherche pathétique de quarante milliards d’économies sur le budget 2026, d’un côté ou le plan de relance national pour booster l’économie allemande en panne sèche, de l’autre.
Il n’en va pas différemment de la gestion des flux migratoires dont les nationalistes font partout leurs choux gras en chauffant l’opinion à la faveur de saillies racistes décomplexées. Le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez, fort d’une croissance solide, projette de régulariser près d’un demi-million d’immigrés pour faire face aux besoins de main d’œuvre, quand d’autres s’embourbent dans des débats délétères pour réduire comme peau de chagrin l’immigration dont a pourtant tant besoin un continent vieillissant.
Le contraste est saisissant et illustre l’apport à la croissance européenne des membres du « club med », tancés jadis par Wolfgang Schauble, Mark Rutte et quelques autres pour leur manque de rigueur austéritaire. Là encore, les faits ont tranché de la plus claire des manières. Bruxelles a donc les moyens de contrer les folies de l’empereur des MAGA à la condition d’opter fermement pour l’alternative des solutions tant qu’il en est encore temps. Rien de moins qu’une ambition européenne à la hauteur des enjeux.