Si la gauche était rationnelle…
Quand on dispose d’une majorité relative, il faut proposer un nom acceptable pour Matignon et, surtout, un programme négociable. Mais pour les chefs du NFP, c’est parler chinois.
La France insoumise a rompu les négociations sur la désignation d’un futur Premier ministre ; elle a aussitôt accusé le Parti socialiste d’être le seul responsable du blocage, alors même que chacun a pu voir que c’est bien l’obstination du LFI à imposer une candidature issue de ses rangs qui a conduit à cette pantalonnade.
Plutôt sagement, Olivier Faure en appelle maintenant à une personnalité « de la société civile ». L’ennui c’est que cette société civile est souvent très politique et que les Insoumis chercheront une nouvelle fois à faire prévaloir leurs choix. Et surtout, chaque jour qui passe montre que c’est folle prétention que de vouloir à tout prix appliquer son programme intégralement. Maintenir cette exigence, c’est donner le pouvoir aux conservateurs.
Mais quel programme voulez-vous proposer ? Si on en exprime la volonté, ce n’est pas si compliqué. Voici les pistes qui devraient s’imposer. En premier lieu, des mesures de pouvoir d’achat qui améliorent le sort des classes populaires, mais selon un calendrier et une ampleur compatible avec la situation des finances publiques, faute de quoi elles risquent d’être rejetées. Un compromis sur les retraites qui ramène la mesure d’âge à 62 ans, mais prévoie un financement et rétablisse le compte de pénibilité créé sous Hollande et supprimé par Macron.
« Une démarche trop sectaire empêchera tout compromis et ouvrira la voie à un gouvernement de la droite et du centre »
Une réforme constitutionnelle qui comprenne la proportionnelle, l’extension du Référendum d’Initiative Partagée et une nouvelle étape dans la décentralisation du pays. Une politique de sécurité qui rétablisse la police de proximité, accroisse les moyens des enquêteurs, limite la fréquence des contrôles d’identité, toujours dirigés contre les mêmes, et donne la priorité à la lutte contre le trafic de drogue. Un plan climat qui conjugue énergies renouvelables et nucléaire, qui pousse l’isolement des bâtiments et le développement de la voiture électrique. Une politique d’immigration équilibrée, qui améliore l’accueil – souci de la gauche – mais se préoccupe aussi de maîtriser les entrées, demande formulée par les deux tiers des Français. Etc.
Ce programme limité, mais progressiste, qu’on peut amender, compléter, affiner, ne devrait pas rebuter les centristes et permettre à la gauche de faire passer plusieurs de ses revendications. Pas toutes ? Certainement pas. Mais il s’agit d’un choix rationnel. Une démarche trop sectaire empêchera tout compromis et ouvrira la voie à un gouvernement de la droite et du centre qui n’en mettra aucune en œuvre. Au contraire, une négociation gauche-centre peut déboucher sur un compromis honorable qui fasse avancer justice sociale et lutte pour le climat. Mais là encore, pour les chefs du NFP, c’est parler chinois.