Si les Ricains n’étaient pas là ?

par Boris Enet |  publié le 21/02/2025

Dans « Parle-moi d’un homme heureux », la défunte chanteuse Catherine Ribeiro, égérie de l’extrême-gauche des années 1970 entonnait « Comment sortir du noir quand tout est noir dehors ? » Cultivons l’espoir en chansons. 

Danse de Donald Trump à l'aéroport Arnold Palmer de Latrobe, États-Unis, le 5 novembre 2022. (Photo de Kyle Mazza / Agence Anadolu via AFP)

Ainsi donc, si les Ricains n’étaient pas là, serions-nous tous en Germanie, à saluer je ne sais qui ? Depuis trois semaines, la chanson vieillit mal. D’abord, cette germanophobie primaire, commune à Georges Marchais, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Todd et Michel Sardou ferait presqu’oublier que les roses sont belles à Göttingen et que les enfants sont les mêmes qu’à Paris, sans compter qu’il y a des gens qu’on aime. 

Avec son sarcasme juvénile et sa rébellion un brin caricaturale, Renaud rappelait quatre ans après « le chagrin et la pitié » de Marcel Ophüls qu’à l’abri des bombes, les français criaient Vive Pétain, qu’ils étaient bien planqués à Londres, qu’il n’y avait pas beaucoup de Jean Moulin. Bien sûr, avec le temps va, tout s’en va, même les plus vieilles rancœurs destinées au placard pour construire la défense commune européenne qu’Emmanuel Macron appelait vendredi de ses vœux. En effet, il est temps de cesser de rire, charmante Elvire, les loups regardent vers Paris. Il suffirait de presque rien, peut-être dix années de moins pour que les Européens aient évité une insouciante naïveté, devenue coupable.

C’était au temps où Bruxelles rêvait, c’était au temps ou Bruxelles brusselait. Mais désormais, plutôt que de mourir d’aimer avec le nationalpopuliste à la tête des États-Unis, mieux vaut partir en redressant la tête, sortir vainqueur d’une défaite, renverser toutes les données. Bien sûr, rien ne sera facile. Les loups, attirés par l’odeur du sang, il en viendra des mille et des cents prêts à pactiser avec la dictature de Poutine jusqu’à Marienbad. Et pourtant, nous danserons encore, là-bas à Marienbad, jusqu’à ce que les hommes aient retrouvé l’amour et la fraternité.

Mais d’ici là, il faudra bien choisir. N’en déplaisent à Fabien Roussel et aux vestiges de la gauche communiste européenne, n’entendez-vous pas le vol noir des corbeaux sur les plaines ukrainiennes, ainsi que les cris sourds d’une nation européenne qu’on enchaîne ? Oui, ni l’orgue, ni la prière aux agonisants, onze ans déjà que cela passe vite onze ans depuis le piétinement du protocole de Minsk par le boucher du Kremlin. Bien sûr, nous nous rappelons avec Barbara que c’est con la guerre. Nous préférerions ne pas la faire car nous ne sommes pas sur terre pour tuer des pauvres gens. La guerre, c’est toujours le tango des joyeux militaires, des gais vainqueurs de partout et d’ailleurs, c’est le tango des fameux va-t’en guerre, c’est le tango de tous les fossoyeurs. Mais l’Ukraine n’a fait que se défendre face à l’impérialisme de son voisin, sans déclencher aucune hostilité.

En dehors de l’administration Trump, qui osera se taire sur le sort des enfants ukrainiens enlevés aux leurs, passer sous silence les crimes de guerre, les massacres de Boutcha, les bombardements de civils, le million de victimes de part et d’autre ou la disparition de Navalny il y a tout juste un an ? Nos fronts sous le joug se ploieraient ? De vils despotes deviendraient les maîtres de nos destinées ? 

Alors, Anne ma sœur Anne, plutôt que de rejoindre la colonne, cinquième du nom, de Le Pen, Bardella, Orban, Fico, Weidel et les autres, hâtons-nous et demain, soufflons-nous même notre forge, battons le fer tant qu’il est chaud pour la défense de l’Ukraine dans l’Union, l’un des nôtres.

Paraphrases et emprunts à Jacques Brel, Barbara, Léo Ferré, Renaud, Rouget-de-L’Isle, Eugène Pottier, Serge Reggiani, Louis Chedid, Boris Vian, Jacques Prévert. Et Michel Sardou…sans rapport avec les précédents.

Boris Enet