Siamo tutti degli idioti !

par Boris Enet |  publié le 15/09/2024

Lors de la fête de L’Huma, François Ruffin a subi un procès public sans autre possibilité que d’encaisser les cris de la horde, minutieusement préparée.

Francois Ruffin à la fête de l'Humanité, à Brétigny-sur-Orge, le 14 septembre 2024. (Photo by Serge Tenani / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)


Une centaine de militants scandant « Siamo tutti antifascisti », se déchaînent face à François Ruffin. Le petit commando de LFI, probablement de mèche avec de jeunes écervelés de la JC, a livré deux démonstrations en une. La première révèle la naïveté du dissident, piégé par un vieux procédé stalinien, consistant à inviter l’adversaire avant de le descendre – ici symboliquement – devant une salle organisée pour en découdre. Relayé par une partie de la tribune, diffusé sur les réseaux sociaux, le happening est destiné à marginaliser l’excommunié par la force du nombre et du bruit, sans lui laisser une chance de se défendre. Surpris, l’homme semble assommé, inerte.

Doit-on s’y habituer ? Assurément non. Au printemps dernier, personne n’a oublié ce sombre 1er mai à Saint-Etienne, en pleine campagne européenne quand Raphael Glucksmann rebroussait chemin devant les quolibets et les insultes du fan club de Staline et de Mélenchon réunis. Ce sont à peu près les mêmes qui scandaient « Roussel n’est pas notre camarade ! » lorsque ce dernier avait eu l’outrecuidance de critiquer le maître de LFI, son génie tactique et sa clairvoyance éternelle. Le maquillage des affiches de Corbières, candidat dissident à Bagnolet aux dernières législatives, systématiquement recouvertes d’étoiles de David et de la caractérisation « sioniste », le lynchage public de Garrido et les exigences d’auto-critique rappellent les caractéristiques de ce courant. La matrice lambertiste, les méthodes staliniennes nous ramènent au siècle dernier avec un petit parfum de naphtaline et d’acétone comme lorsque les services du NKVD maquillaient les pellicules photographiques pour en éliminer les opposants.

La seconde démontre l’incroyable bêtise de jeunes gens incultes, éduqués à aboyer et obéir avant toute autre considération. Qu’a dit Ruffin de prétendument révisionniste, si l’on se réfère à la catéchèse du politburo de la troïka Mélenchon, Panot, Bompard ? Les dérives communautaristes du groupe auquel il a appartenu et leur utilisation cynique, sont en contradiction avec une démarche universaliste de résolution des inégalités, indépendamment de l’origine et des appartenances. Des principes pourtant partagés dans toutes les familles de la gauche il y a encore peu de temps
Il n’en fallait pas moins pour dénoncer la figure du traître, son basculement supposé vers le fascisme et pour lui prêter des visées racistes et une attitude discriminatoire. Or, ces petits khmers rouges téléguidés ne font qu’édulcorer la réalité du fascisme, tandis que l’extrême-droite se présente en alternative crédible. Ils renforcent la détestation dont ils sont désormais l’objet, accroissant l’attractivité d’une extrême-droite relookée, seulement occupée à récolter les fruits de cette stratégie.

Un lointain écho au grand poète Aragon, aussi immense qu’était son stalinisme acharné, écrivant dès 1931 « Vive le Guépéou ! », comme pour susciter une réplique française de la sinistre police politique sévissant en URSS. Hier, L’Huma a retrouvé ses vieux démons, la police de la pensée et ses nervis d’antan, en toute bonne conscience.

Boris Enet