Sociale-écologie : c’est maintenant ou jamais !
Le glissement de la droite classique vers l’extrême-droite et de la petite gauche vers l’extrême gauche, laisse entre les deux un espace béant que seul le courant progressiste et social-écologiste peut occuper. À lui de s’imposer.

Le feu couvait, l’étincelle de la tribune qu’il a publiée a allumé la flamme. En se prononçant contre les énergies renouvelables et en faveur du seul nucléaire, Bruno Retailleau a rendu évident ce que l’on percevait depuis des semaines : le ministre de l’Intérieur est désormais le principal artisan du glissement idéologique des Républicains vers l’extrême-droite façon RN.
Jusque-là, on pouvait croire que c’était son habit de ministre de l’Intérieur qui le conduisait à la surenchère. Il s’était limité aux sujets classiques de son maroquin, la sécurité et l’immigration. Certes, il avait montré son jusqu’au-boutisme en exigeant la rupture de l’accord de 1968 entre la France et l’Algérie, si celle-ci persistait à refuser d’accueillir chez elle les ressortissants algériens sous le coup d’OQTF ; et en obtenant l’allongement de la durée en centre de rétention des délinquants étrangers. Mais même s’il le surjouait, il était dans son rôle, face à une France lasse de l’insécurité et qui réclame plus d’autorité.
Intervenant soudain dans le dossier des énergies renouvelables, il s’empare d’un sujet totalement hors de son champ, jusqu’à se faire recadrer par Emmanuel Macron. Il dézingue l’écologie que Les Républicains avaient déjà attaquée en votant avec le RN la suppression des ZFE, la réintroduction de pesticides dangereux à travers la loi Duplomb, et la réactivation des travaux de l’A69. Et voici que la droite s’aligne sur le tout-nucléaire pour faire pièce aux énergies renouvelables défendues par les écologistes. Les LR, sosies du RN ?
Depuis un an, à l’issue des législatives du 8 juillet 2024, Politico a noté que les députés LR et RN ont voté ensemble dans 70 % des cas à l’Assemblée nationale, soit 2010 fois sur 2876. Outre leur convergence désormais évidente sur l’énergie, la sécurité et l’immigration, ils se sont retrouvés sur les sujets de logement, de fiscalité et de réforme du marché du travail dans des postures réactionnaires comme le durcissement des conditions de l’assurance-chômage ou encore la loi anti-squat. Jusqu’à basculer, pensent certains comme Pascal Canfin, dans un trumpisme à la française. Qui peut croire alors, que les Français – dont tous les sondages disent qu’ils détestent Donald Trump – désigneront deux clones, Bardella et Retailleau, pour figurer au second tour de l’élection présidentielle ?
A gauche, le tableau est connu. La nécessité d’empêcher l’extrême droite de s’emparer de la majorité à l’Assemblée nationale après la dissolution a poussé la gauche à s’unir en constituant le Nouveau Front Populaire, un accord électoral où La France Insoumise a imposé sa domination, symbolisée par la prise de parole de Jean-Luc Mélenchon dès 20 h le 8 juillet à la télévision pour récupérer à son seul profit le résultat des élections.
Sous la houlette d’Olivier Faure au Parti socialiste et de Boris Vallaud à la tête du groupe à l’Assemblée, l’alliance a tenu cahin-caha jusqu’à ce que la virulence des attaques des opposants à LFI au sein du PS oblige le Premier secrétaire à opérer un revirement. Sous la pression de François Hollande, les 66 députés socialistes refusent ainsi à six reprises de voter la motion de censure contre le gouvernement de François Bayrou, afin d’éviter une accélération du calendrier vers une présidentielle anticipée que souhaite LFI et pour laquelle le Parti socialiste n’est pas prêt.
Dans la foulée, Olivier Faure est acculé à convoquer un Congrès tant son poste de Premier secrétaire est contesté. Las ! L’issue du Congrès le conforte et installe même à ses côtés un Boris Vallaud plus à gauche que lui. Tous deux se voyant présidentiables, ils imposent à leurs opposants socialistes anti-LFI, une ligne dite d’union de « la petite gauche », à savoir, outre les socialistes, les écologistes, les communistes, et les Lfistes exclus par Mélenchon. Le 2 juillet, ces protagonistes tiennent une réunion surréaliste à l’invitation de Lucie Castets, l’ex-première ministrable NFP, où Marine Tondelier et Clémentine Autain disent au micro regretter l’absence de LFI sans qu’Olivier Faure ne réplique par autre chose qu’un silence gêné. Olivier Faure avait pourtant juré qu’on ne l’y reprendra plus à passer un accord national avec LFI…
Entre une droite classique dangereusement attirée vers l’extrême-droite et une gauche réformiste qui persiste à flirter avec l’extrême-gauche, on voit que s’ouvre un espace béant, celui d’un progressisme social et écologiste. Ce n’est pas pour rien que Raphaël Glucksmann, François Hollande, Gabriel Attal, Elisabeth Borne, Carole Delga qualifient de « bonne démarche » la plateforme progressiste qu’a lancée Pascal Canfin. Non parce qu’ils croient qu’elle débouchera sur une candidature commune à l’élection présidentielle. Mais parce qu’elle aborde le vrai sujet, celui des idées qui doivent déboucher sur des programmes, la seule façon d’avancer ensemble avant d’évoquer toute incarnation qui rallume la guerre des egos. Raphaël Glucksmann ne s’y est pas trompé qui a lancé de son côté les chantiers de sa « vision pour la France ».
Depuis son élection en 2017, et plus encore en 2022, Emmanuel Macron a rêvé d’une alliance entre son camp et la droite de son ami Nicolas Sarkozy. La faillite du socle commun de François Bayrou où personne n’est d’accord sur rien et surtout pas avec LR, prouve à quel point cette stratégie est en panne. En faisant pencher la balance trop vers la droite réactionnaire, elle se sépare de ceux qui croient au progrès et refusent la radicalité, qu’elle soit de droite ou de gauche. A ceux-là désormais de se mobiliser pour s’emparer du boulevard qui leur est laissé.