Socialistes, un peu de courage !
Le PS va-t-il jouer la carte de la responsabilité en refusant de s’associer à la motion de censure que LFI s’apprête à présenter ? La vraie audace consiste à jouer le compromis plutôt que de se réfugier dans une opposition stérile.

Certains députés socialistes jugent insuffisantes les concessions acceptées par François Bayrou sur le projet de budget 2025 et préconisent que leur groupe vote la censure. Ils estiment que l’intransigeance est la seule attitude possible face à un gouvernement dont ils jugent la politique néfaste.
Ont-ils vraiment réfléchi ? Voter la censure, c’est souhaiter le renversement de l’équipe Bayrou, qui se produira immanquablement si le RN joint ses voix à celles de la gauche. C’est-à-dire aggraver encore la crise politique au moment où chacun voit bien que l’incertitude parlementaire a mis l’économie à l’arrêt et risque maintenant de provoquer une hausse du chômage préjudiciable à tous les travailleurs. C’est aussi proroger de facto le budget de l’année dernière, qui continuera de s’appliquer faute de l’accord du Parlement sur un nouveau texte, et abandonner du même coup les concessions déjà consenties par François Bayrou, qui se perdront dans le maëlstrom de la crise.
C’est enfin abdiquer de tout espoir d’autonomie à l’égard de LFI, dont le leader, acharné à la perte du PS, ne manquera pas de célébrer la disparition. « Ils sont rentrés à la niche », dira-t-il en substance, fustigeant avec mépris les velléités d’indépendance manifestées par la gauche réformiste. Seul avantage : les députés qui auront voté la censure pourront quémander à Mélenchon l’absence d’un candidat LFI dans leur circonscription pour se faire réélire avec le soutien insoumis en cas d’élections législatives. Serait-ce une preuve de courage ?
Non : la véritable audace consiste à être soi-même et à s’émanciper d’une dépendance qui place les socialistes en position de féaux implorants du mélenchonisme, alors que seule une force réformiste assumée et sûre de ses idées peut conduire, un jour, la gauche à la victoire. Serait-ce si difficile d’expliquer aux électeurs de gauche qu’il vaut mieux négocier une amélioration de leur sort ici et maintenant, plutôt que s’en remettre à la stratégie d’affrontement permanent et de crise de régime imposée par LFI, qui veut une présidentielle anticipée pour prendre de vitesse ses concurrents à gauche ?
Prolonger le désordre politique, c’est accepter la récession qui risque de se produire si la France se retrouve sans budget et sans boussole, ballotée au gré des zizanies partisanes. Les socialistes ont obtenu une conférence sociale qui traitera des salaires et de la réforme des retraites, en même temps que des atténuations tangibles des sacrifices demandés aux salariés français et le maintien des règles de l’Aide médicale d’État en faveur des sans-papiers. C’est un bilan appréciable, que le PS peut défendre avec succès auprès de l’opinion. Au fond, cette séquence est un test de la volonté des élus socialistes. Veulent-ils ou non s’émanciper de la tutelle LFIste ? Toute la gauche les regarde.