Stargate, le business contre la planète

par Gilles Bridier |  publié le 24/01/2025

Ignorant le risque d’explosion de la consommation d’électricité, Donald Trump ouvre la « Porte des étoiles » aux géants de l’IA et de la tech.

Incendie à la centrale électrique de Moss Landing, située sur la Pacific Coast Highway en Californie, le 16 janvier 2025. (photo Tayfun Coskun / Anadolu via AFP)

Un business à 500 milliards de dollars sur quatre ans… sans présumer de la suite ! Peu après son investiture, Donald Trump a enclenché son projet géant Stargate qui porte sur l’intelligence artificielle et les data centers. La veille, le président américain avait fait montre d’une ambition sans frein pour développer la production pétrolière, afin que les entreprises américaines puissent profiter d’une énergie abondante et bon marché. Il avait aussi, parmi les décrets signés dans la foulée de l’investiture, annulé celui de son prédécesseur réglementant l’IA.

Ainsi, le scénario d’une Amérique conquérante selon les préceptes MAGA se met en place. Au diable les économies d’énergie et la décarbonation de la croissance, place à l’intelligence artificielle érigée en graal par Donald Trump et ses nouveaux affidés que sont les géants de la tech. Au nom du business de l’IA, la hiérarchie des valeurs est renversée.

Prenons conscience des enjeux. Aujourd’hui, déjà, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que l’intelligence artificielle et les 8.000 data centers dans le monde (dont le tiers aux États-Unis) consomment 2% du total de l’électricité produite sur la planète. Et, dans son rapport de 2024, l’agence considère que les besoins de l’IA pourraient doubler d’ici à 2026. Donc, dès l’an prochain. A ce stade, la consommation d’électricité de l’IA équivaudrait déjà à celle du Japon ou de l’Allemagne, suivant les scénarios considérés. Mais c’était avant le lancement de Stargate. Or une recherche par l’IA consomme dix fois plus d’énergie qu’une recherche traditionnelle sur Internet. Quels seront les besoins réels d’énergie si le nombre de data centers augmente d’autant ? À quel rythme les majors du pétrole vont-ils « forer, forer, forer encore », selon les encouragements du président, pour alimenter les nouveaux centres qui vont prioritairement être installés au Texas, là où le sous-sol est riche en or noir?

En réalité, Stargate – la Porte des étoiles – avance encore dans l’inconnu : « Nous ne mesurons pas encore pleinement les besoins en énergie de cette technologie », reconnaît Sam Altman, fondateur d’OpenAI et créateur de ChatGPT, cité par Le Monde et partie prenante au projet. L’IRIS, Institut des relations internationale et stratégiques, soulève un autre problème : avec une demande d’électricité qui va décupler, certains états américains vont s’interroger sur la robustesse de leur système électrique. Car les États-Unis ont déjà connu des black-out à cause de réseaux sous-dimensionnés. De sorte que certains pourraient imposer des restrictions à l’installation de data centers supplémentaires sur leur territoire.

Quand l’Europe prône la sobriété énergétique, les États-Unis de Donald Trump et des géants de la tech ont résolument changé de paradigme. L’IA, qui devait aider à mieux maîtriser la consommation d’énergie, va commencer par l’utiliser massivement. La nouvelle et future sortie des États-Unis des accords de Paris, annoncée par le nouveau Président, s’inscrit dans cette logique.

Bien conscients de leur vulnérabilité auprès de l’opinion, les géants de la tech promettent de s’alimenter en énergie décarbonée, nucléaire, éolienne ou solaire, comme au Texas. Mais Google reconnaît que leur consommation d’électricité dépasse déjà leur capacité à s’approvisionner en énergie renouvelable. Qu’en sera-t-il avec Stargate ! Rien de mieux que de nier les effets du dérèglement climatique, à l’oeuvre en Californie et ailleurs, pour ouvrir grand la porte à la tech et au business. Make America Great Again ! À quand le réveil européen ?

Gilles Bridier