Tebboune, président sans pouvoir

par Malik Henni |  publié le 24/01/2025

Réélu à la tête de l’Algérie à la suite d’un scrutin massivement boycotté par la population (19 millions de personnes se sont abstenues sur 24 millions de votants), Abdelmadjid Tebboune commence son second mandat en tirant à boulets rouges sur la France. Sa visite d’État, prévue depuis 2023, a été pour la quatrième fois annulée.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, réélu avec 84,30% des voix le 7 septembre, prête serment et entame son deuxième mandat à Alger, le 17 septembre 2024. (Photo de Hamza Zait / Anadolu via AFP)

Premier Président algérien à ne pas avoir participé à la guerre d’indépendance (il est né en 1945), Abdelmadjid Tebboune est un pur produit du système sécuritaire mis en place par le FNL après 1962. Né sur la côte d’une famille venue du Sahara, il devient haut-fonctionnaire en intégrant la deuxième promotion de l’ENA algérienne. Devenu préfet (« wali »), il ne se fait pas remarquer jusqu’à sa nomination en tant que ministre des Collectivités locales en 1991 sous Chadli Bendjedid, avant de s’éclipser pendant la guerre civile. Redevenu brièvement ministre d’Abdelaziz Bouteflika en 1999, le bureaucrate redisparaît de la scène politique avant de devenir le Premier ministre le plus éphémère de l’Algérie, de mai à août 2017. 

Cette brève expérience l’a rendu assez populaire : son limogeage s’explique par la lutte contre les oligarques et les militaires qui captent la rente pétrolière et qui font partie du premier cercle d’un président alors en pleine sénilité. Son propre fils a cependant fait de la prison pour trafic de cocaïne et lui-même est cité dans l’affaire Khalifa, une vaste escroquerie qui a éclaboussé le pouvoir au début des années 2000. 

Le Hirak, le mouvement de contestation de la primauté de l’armée dans les affaires de l’État, ne l’a donc pas épargné : à peine désigné à la suite d’élection dont personne ne voulait en 2019, il est devenu le symbole d’un pouvoir toujours contrôlé par les militaires. Sans charisme personnel ni clientèle propre (mise à part les 4 millions de soutiens fidèles du FNL qui se redistribuent entre eux la rente pétrolière et gazière), ses marges de manœuvre sont étroites. 

Le pouvoir que détient le chef d’état-major Saïd Chengriha en est la preuve. En 2021, ce dernier a bridé Tebboune, l’empêchant de nommer un Premier ministre et les principaux ministres du Gouvernement alors que le président avait annoncé un remaniement. La même année, le chef d’état-major a aussi lancé la guerre de mémoire avec la France, pour souder la nation algérienne face à un ennemi commun et ce, malgré les mains tendues par Paris.

Sans légitimité démocratique, avec un pouvoir militaire en surplomb qui ne souhaite aucun changement structurel, que peut faire un Président ? Il use principalement de son ministère de la parole. Son discours du 29 décembre dernier pointait la France comme responsable de tous les maux du pays et déterrait les vieux dossiers de la mémoire coloniale. 

Voilà donc un vieil homme qui n’a pas connu la révolution, fondement de la légitimité de tous ses prédécesseurs, sans autre vision que celle de faire ce qu’il a toujours fait, à savoir surveiller et punir. Loin à l’Est, la chute des Assad a peut-être donné des sueurs froides à ce pouvoir pour qui la rhétorique « nous ou le chaos » n’est sans doute plus qu’un maigre rempart face à la colère populaire. 

Malik Henni