Thucydide et la guerre d’Ukraine
Quelque 2500 ans avant la crise ukrainienne, dans « le dialogue mélien », l’historien grec avait déjà mis en scène la lutte du droit et de la force.
Les propos humiliants infligés par Donald Trump et de James D. Vance à Volodymyr Zelensky vendredi dernier ont choqué les alliés traditionnels de l’Amérique, habitués à un dialogue plus civilisé. Derrière l’agression verbale se cache pourtant une réalité d’une simplicité biblique : la puissance de Washington lui permet d’agir comme bon lui semble, hors de toute règle de droit. Il y a 2500 ans, Thucydide mettait déjà en garde contre un tel comportement…
Athènes, 418. Dans son histoire de la guerre du Péloponnèse, Thucydide raconte comment les Athéniens profitent d’une accalmie dans leur guerre contre Sparte pour envahir Melos, une autre cité grecque qui voulait rester neutre. Ils placent les Méliens devant une alternative simple et toute trumpienne : payer tribut, se soumettre ou être anéantis. Tels Zelenski dans le bureau ovale, les Méliens argumentent, en appellent à l’honneur, la morale, mettent en garde contre un usage inutile de la force. Ils invoquent le ciel : « Nous espérons que les dieux nous donneront une fortune aussi bonne que la vôtre, car nous maintenons ce qui est juste contre ce qui est injuste. »
Les Méliens sous-estiment le danger et se raccrochent à un espoir : leurs cousins Spartiates viendront les défendre. Tel Poutine parlant aux Européens, les Athéniens rétorquent que les spartiates auraient beaucoup à perdre et peu à gagner dans cette action de secours. Celle-ci n’a pas lieu. Abandonnés par les Spartiates, les Méliens succombent à un siège rapide et sont massivement exécutés, les survivants réduits en esclavage, et les ruines de la ville peuplées de colons Athéniens. La force avait donc primé le droit. Avec cet épilogue ironique : les Méliens survivants vinrent grossirent les rangs des spartiates et concoururent à la défaite finale d’Athènes.