Tous perdants !

par Sylvie Pierre-Brossolette |  publié le 11/04/2025

Pour l’instant, personne ne profite des ennuis judiciaires du RN. Tous les autres partis sont à la peine…

Le secrétaire général de Renaissance, Gabriel Attal, sur scène devant le maire du Havre Édouard Philippe et le Premier ministre François Bayrou, lors d'un meeting du parti centriste Renaissance, à Saint-Denis, le 6 avril 2025. (Photo Thomas SAMSON / AFP)

La politique obéit généralement au phénomène des vases communicants. Les ennuis des uns font le bonheur des autres. L’étrange situation actuelle dément cette logique de bon sens. De la droite à la gauche de l’échiquier, aucune force n’émerge dans le paysage secoué par la mesure d’inéligibilité frappant Marine Le Pen, alors même qu’elle devrait rebattre les cartes.

L’extrême-droite, qu’elle le veuille ou non, est touchée par le jugement du 31 mars. Si les intentions de vote pour la présidentielle sont encore flatteuses pour la candidate naturelle ou son dauphin, les deux ans à venir pour l’extrême-droite seront forcément compliqués. Marine Le Pen maintient une fiction – la certitude de son innocence, donc de sa candidature – difficile à suivre. La pression sur son remplaçant probable, Jordan Bardella, ne va cesser de monter, déstabilisant le mouvement à la flamme.

Une bonne nouvelle pour tous ses adversaires. Et pourtant, aucun ne semble en état d’en profiter. Chacun est occupé à régler ses problèmes internes, offrant un spectacle peu séduisant pour le citoyen en quête de solution pour le pays. On ne trouve que querelles de personnes et batailles d’ego, le festival des idées n’étant visiblement pas de saison. De quoi désespérer Neuilly comme Billancourt.

À droite, la compétition pour le contrôle de LR donne lieu à des échanges pathétiques, Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez jouant à « plus à droite que moi tu meurs ». Le ministre de l’Intérieur évoque des « juges rouges ». Et son cadet va jusqu’à réinventer le bagne pour les OQTF, provoquant volontairement un tollé pour essayer, dans un geste désespéré, d’attirer des militants tentés par la manière forte. Pas brillant pour les héritiers du parti gaulliste…

Au centre droit, il s’agit de capter l’héritage d’Emmanuel Macron, ou ce qu’il en reste. À côté de leurs cousins pauvres du parti légitimiste, la branche de la droite orléaniste conserve une portion conséquente de l’électorat modéré, malgré la déception engendrée par les déconvenues du chef de l’Etat. Le problème dans cette famille, ce n’est pas le vide, mais le trop plein.

Les chefs à plume se voient tous à l’Élysée, dont deux anciens premiers ministres. Il suffit que l’un se détache, comme Édouard Philippe, pour que l’autre, Gabriel Attal, se mette en travers. Et que leurs faux-amis mettent leur grain de sel, ou plutôt de sable, de Gérald Darmanin à François Bayrou en passant par Elisabeth Borne et Yaël Braun-Pivet. Tous veulent en être, alimentant davantage la lutte des places que celle des idées. Les sondages sélectionneront sans doute l’une de ces personnalités, mais après une foire d’empoigne délétère.

A gauche, on cherche désespérément à la fois les idées et un présidentiable qui tienne la route. La bataille du congrès socialiste ne produit, pour l’instant, pas de projet qui réponde aux grands problèmes du moment. L’essentiel consiste à tenter de faire triompher une ligne anti-LFI, sans que les tenants d’une orientation social-démocrate ne parviennent à se mettre d’accord sur les moyens d’y parvenir… On patauge. Et les sondages présidentiels sont calamiteux. Seul Rafaël Glucksmann atteint la barre des 10%, alors qu’il n’a pas sa carte du PS…

Le lider maximo, lui aussi, peut espérer un score à deux chiffres. Mais voilà Jean-Luc Mélenchon plus isolé que jamais. Les socialistes n’ont pas voulu défiler avec lui au meeting du 6 avril, où il a tenté de se refaire une vertu en pourfendant l’extrême-droite, après avoir critiqué l’exécution provisoire qui a frappée Marine Le Pen. Sa radicalité et ses outrances divisent la gauche et condamnent le PS a une véritable mue. En attendant ce moment, pour les électeurs progressistes, c’est le brouillard. Frustrant.

Le contraste est fort entre le niveau des défis internationaux auxquels la France doit faire face, et le spectacle offert par ses principales familles politiques. La guerre, qu’elle soit économique ou militaire, s’est de nouveau invitée dans le débat. Il serait peut-être temps que les partis, et leurs représentants, se hissent au niveau des enjeux. Sauf à être balayés avec les archaïsmes du vieux monde…

Sylvie Pierre-Brossolette

Sylvie Pierre-Brossolette

Chroniqueuse