Trump 2 : menaces pour l’Afrique

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 24/01/2025

Sur trois points au moins, l’Afrique peut se sentir menacée par le deuxième mandat de Trump : l’endettement, le sort réservé à l’AGOA, cet accord de libre-échange entre États-Unis et Afrique, et le freinage massif du dispositif de compensation financière pour lutter contre le changement climatique.

Donald Trump dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, Washington, le 23 janvier 2025. (Photo de Roberto Schmidt / AFP)

« Remboursez vos dettes ! », c’est l’apostrophe lancée par le sénateur républicain James Bitsch, nouveau président de la puissante commission des affaires étrangères du Sénat à l’adresse des pays africains. Le partisan zélé de Donald Trump s’exprimait lors d’une session consacrée à l’examen d’une demande du Ghana relative à un rééchelonnement de ses dettes et à un nouveau crédit du FMI.

L’ire des Républicains vient des lourdes dettes déjà contractées par le Ghana auprès de plusieurs entreprises américaines dans des domaines divers, notamment le pétrole ou les télécommunications. D’où leur insistance pour conditionner cette nouvelle tranche au remboursement. Avec un argument supplémentaire : les avances faites au Ghana étant, pour certaines, garanties par l’organe américain de coopération financière internationale (US-DFC), ce sont de fait les contribuables qui s’en trouvent lésés. 

Ce message adressé au Ghana vaut évidemment pour tous les autres pays africains. Mais cette position dure des Républicains ne sera pas forcément suivie, tant elle comporte de risques pour l’hégémonie américaine. Ne serait-ce que celui de voir d’autres puissances prendre le relais. On pense immédiatement à la Chine et à sa force financière, mais aussi plus largement aux outils financiers progressivement mis en place par le bloc des BRICS.

Une deuxième menace guette l’AGOA, cet accord de libre-échange entre les États-Unis et environ les deux-tiers des États africains. Il y a moins de deux ans, la réunion au sommet des dirigeants de l’organisation correspondante s’était tenue à Johannesburg et s’était achevée, de manière très optimiste, par le projet de prolonger cet accord au-delà de 2025, d’étendre la liste des produits échangeables à d’autres produits, notamment les minerais stratégiques, voire d’intégrer des pays jusqu’ici exclus. 

À la lueur des déclarations d’inspiration trumpiste, tout est désormais remis en cause, y compris l’accord lui-même. Là encore le pari est risqué. Non seulement les États africains, désormais maîtres dans l’art de faire monter la concurrence entre puissances, ne manqueront pas de solliciter d’autres partenaires, mais en outre les États-Unis pourraient perdre un accès privilégié à des marchés importants dont d’autres sauront profiter.

Dès le premier jour du mandat, le ton était donné, puisque Donald Trump a signé un décret sortant les États-Unis de l’accord de Paris. Comme il l’avait fait lors de son premier mandat. La compensation financière par les pays riches gros pollueurs en faveur des pays en développement moindres pollueurs risque d’en souffrir drastiquement. Les dernières COP ont été les témoins des débats correspondants et des échecs à porter cette compensation au niveau adéquat pour les pays en développement. Ce nouveau départ fracassant n’arrangera rien à l’affaire. Il ne pourra qu’encourager les lobbies des hydrocarbures à continuer de freiner la mise en œuvre de l’accord de Paris et de ses exigences. 

L’Afrique est très concernée, tant elle a besoin de sortir intelligemment de son sous-développement généralisé. Ces menaces seront-elles pour autant toutes mises à exécution et le racisme idéologique l’emportera-t-il ? Rien n’est moins sûr, tant  les intérêts de l’économie américaine et de ses entreprises finiront sans doute par s’imposer.

Jean-Paul de Gaudemar

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