Trump avale son chapeau

par Laurent Joffrin |  publié le 23/04/2025

Les marchés ont obligé le chantre du protectionnisme à une piteuse retraite. Certains croient qu’il s’agit d’un effet de son « art du deal ». Il est une explication plus simple : la stupidité.

Laurent Joffrin

Nouveaux reculs de Donald Trump. Le président américain a renoncé à faire partir Jerome Powell, le président de la banque centrale américaine ; il a soudain adopté un langage conciliant avec la Chine ; son gourou foutraque Elon Musk a annoncé qu’il allait prendre du champ, laissant à d’autres le soin de poursuivre sa réforme de l’État américain.

Dans quelques années, les historiens des États-Unis se demanderont par quelle étrange aberration on a pu mettre au pouvoir à Washington une telle bande de guignols, aussi incompétents qu’agressifs. Si Trump avait lu une fois dans sa vie un livre d’économie pour les nuls, il aurait compris que le relèvement massif des droits de douane accroît le prix des marchandises importées, génère de l’inflation et entrave le commerce mondial, ce qui handicape la croissance. Il aurait aussi compris que l’incertitude cultivée à haute dose est la pire ennemie des marchés financiers, qui ne peuvent rien anticiper sur la valeur des titres si le gouvernement change d’avis comme de chemise. Tant de désinvolture alliée à tant de dogmatisme à front bas suscite un sentiment de vertige.

Bien plus que les notes de ses conseillers les moins ignares ou les avis dispensés par les spécialistes, c’est la réaction des marchés qui a conduit Trump à battre en retraite la queue entre les jambes. Lesquels marchés, soit dit en passant, sont aussi nuls en politique que le président peut l’être en économie : ils ont applaudi à la victoire du milliardaire ubuesque, n’entendant que ce qu’ils voulaient entendre de son programme (les baisses d’impôts), alors que tout son plan de fermeture commerciale avait été cent fois répété par le candidat Trump pendant la campagne. Ils n’ont rien voulu comprendre et se retrouvent devant des cours de bourse qui font des sauts de carpe et menacent de leur faire perdre leur chemise.

Un certain nombre d’exégètes solennels assurent qu’il y a derrière les décisions de la Maison-Blanche une stratégie cohérente. D’autres se lancent dans une savante genèse de l’idéologie trumpiste pour y voir l’influence des doctrines libertariennes, nationalistes ou identitaires. Ceux-là oublient qu’il est un facteur de l’Histoire dont on néglige trop souvent l’importance : la stupidité.

Ce président mis en orbite par la télé-réalité et qui se vante de ne jamais ouvrir un livre, agit selon ses instincts et non en vertu d’une quelconque idéologie construite, encore moins d’une rationalité cachée. Il fait partie de cette école de politiciens qui fabriquent de la haine avec la frustration de leurs électeurs. Ce n’est pas dans un quelconque surmoi qu’il faut chercher leur motivation, mais dans le « ça » freudien. Ils sont guidés non par leur cerveau mais par leurs tripes.

Or que dit leur instinct, qui est aussi celui de leurs partisans ? Que l’étranger, au sens large, est le seul responsable des malheurs du peuple et qu’il faut un chef autoritaire pour le sortir de là. Tout le reste est littérature politique superfétatoire. Ce qui fait que la politique douanière, financière, économique, judiciaire, sociétale et universitaire de Trump tient en une phrase : fermer le pays, chasser les immigrés, réprimer ceux qui les défendent, élever des murs à la frontière pour les marchandises et les hommes et, surtout, insulter soir et matin tous ceux qui pensent autrement. Voilà où nous en sommes.

Laurent Joffrin