Trump, entre Mussolini et Gramsci

publié le 04/07/2025

« MAGA goes global » avertit dans une note récente le think tank European Council on Foreign Relations (ECFR), citée dans une enquête des Échos. « La politique étrangère de Trump est une extension de sa politique intérieure », y souligne Célia Belin, directrice du bureau parisien d’ECFR.

Par PASCAL GALINIER

Le vice-président américain JD Vance, lors d'une réunion en marge de la 61e Conférence de Munich sur la sécurité (MSC) à Munich, le 14 février 2025. (Photo Tobias SCHWARZ / AFP)

Donald Trump apparaît déterminé à exporter, sinon mondialiser, la guerre qu’il a déclarée aux États-Unis à tout ce qui lui résiste – universités, juges, institutions fédérales, autorités californiennes… Comme si le Mussolini de la Maison-Blanche avait retenu la leçon donnée par le philosophe communiste italien Antonio Gramsci, mort en prison sous le fascisme : la conquête politique passe par celle de l’hégémonie culturelle. Trump est donc en train de bâtir une forme de « Komintern » ultra-conservateur, recrutant des « proxys » tous azimuts pour porter sa bonne parole.

Sur le Vieux Continent, son cheval de Troie s’appelle Viktor Orban. Le premier ministre hongrois vient de subir un camouflet dans sa capitale Budapest. Le 28 juin, la Marche des fiertés qu’il avait interdite a réuni près de 200 000 personnes. Un pied-de-nez au chantre de « l’illibéralisme », en résonance avec les nombreuses manifestations « No Kings » qui ont vu plusieurs centaines de milliers d’opposants descendre dans la rue aux quatre coins des Etats-Unis le samedi 14 juin, jour où, en plein centre-ville de Washington, Trump s’offrait une parade militaire pour son 79ᵉ anniversaire. Une lubie mégalomaniaque plus inspirée par le défilé annuel de la Place Rouge à Moscou que par le 14 juillet français où Macron l’invita en 2017 lors de sa première élection à la Maison-Blanche…

Le mouvement MAGA orchestre la montée en puissance de l’extrême droite en Europe, avec Washington en appui via ses « proxys », qu’ils soient déjà ou pas encore au pouvoir. La réhabilitation européenne pas à pas de la première ministre italienne Giorgia Meloni montre que le gramscisme fait son œuvre…

Premier coup de semonce en février, avec la remise en cause par le vice-président américain JD Vance de la démocratie européenne à la tribune de la Conférence sur la sécurité de Munich, dont il était l’invité d’honneur. « J’ai toujours aimé la ville de Munich », a-t-il confié dans son discours, évoquant l’attentat qui avait eu lieu la veille dans la capitale bavaroise – sans qu’on sache si le numéro deux américain avait à l’esprit le Munich où Adolf Hitler fit en 1923 sa première tentative de putsch avant d’écrire Mein Kampf dans sa prison.

Deuxième alerte, ce courrier de l’ambassade américaine à Paris menaçant en termes à peine voilés les entreprises françaises si elles persistent dans leurs politiques pro-diversité. « La fin de la discrimination illégale s’applique également obligatoirement à tous les fournisseurs et prestataires du gouvernement américain, quels que soit leur nationalité et le pays dans lequel ils opèrent », martèle la missive, dévoilée par Les Échos en mars

Troisième salve, début juin : la Heritage Foundation agite le spectre de la remise en cause du droit à l’avortement au détour de la dénonciation d’un accord conclu entre l’Union Européenne et des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, où est mentionné le « respect de tous les droits humains », notamment « reproductifs »… Pour le think tank ultra-conservateur qui a rédigé les tables de la loi trumpiste, cet accord s’inscrit dans ce qu’il appelle « les politiques commerciales européennes woke ».

Dans ce contexte, la décision de ne plus livrer à l’Ukraine d’armement anti-missile pour se protéger de la Russie est clairement dans la droite ligne du mantra de Trump, « la paix par la force »… Qu’importe que ce soit la force de Poutine, son premier modèle d’homme fort. L’Union Européenne aura-t-elle assez de force pour contrebalancer sinon contre-attaquer cet abandon en rase campagne ?