Trump la gaffe

par Laurent Joffrin |  publié le 13/04/2025

Trois mois après son avènement, le mandat du président américain se solde par une accumulation historique d’erreurs spectaculaires et de fausses manœuvres. Sans que sa domination sur la politique américaine en soit forcément affectée…

Laurent Joffrin

Les effets de la politique de Donald Trump seraient-ils moins désastreux qu’ils auraient un effet comique garanti. Depuis qu’il a saisi les rênes du pouvoir, le président américain vole d’échec en échec, tel un Gaston Lagaffe promu dictateur de la première puissance mondiale. Certes nous en sommes au début et il lui reste près de deux ans pour faire mieux. Mais comme il a l’habitude de qualifier ses propres défaites de triomphes, on doute qu’il puisse se corriger…

Il devait ramener « en 24 heures » la paix en Ukraine. Après deux mois de palabres vaines, la guerre de Poutine se poursuit sans trêve, comme en témoigne le dernier bombardement sur la population civile qui a causé plus de trente morts en une seule frappe, sans que le Kremlin donne le moindre signe d’apaisement. Appliquant une tactique absurde, plutôt que de chercher à équilibrer les forces pour faciliter un compromis, le « roi du deal » s’est acharné à affaiblir le protagoniste le plus faible, l’Ukraine, ce qui revient à laisser Poutine poursuivre les combats pour mettre à genoux son adversaire, lequel résiste toujours avec le soutien des Européens. La guerre devait s’arrêter par la magie trumpienne. Elle continue de plus belle sans qu’on en voie le bout.

Le protectionnisme agressif mis en oeuvre par la Maison-Blanche devait renforcer l’économie américaine. Selon le consensus des économistes et des milieux d’affaires, elle débouchera sur une hausse de l’inflation et du chômage aux États-Unis, sur la méfiance des investisseurs, le désarroi des marchés financiers et le chaos dans le commerce international. Déjà Trump a dû reculer devant la hausse des taux d’intérêt sur les obligations de l’État américain provoquée par des aberrantes décisions, tandis que ses soutiens au sein du capitalisme yankee font état de leur consternation.

Les menaces proférées contre le Canada ont rallié cette population pacifique et pro-américaine contre l’administration de Washington et favorisé le maintien au pouvoir du Parti libéral, pour la simple raison qu’il est le plus hostile au gourou MAGA. Même phénomène au Danemark depuis les prétentions formulées par Trump sur le Groenland et, plus largement, dans l’Europe tout entière, qui se cherche un avenir sans les États-Unis, ruinant le « soft power » jusque-là constitué par la diplomatie américaine et provoquant le désenchantement de la Grande-Bretagne, le plus fidèle allié de Washington.

Le soutien aveugle de Trump aux projets conquérants de Benyamin Netanyahou a changé la réplique légitime d’Israël au pogrom du 7 octobre en une simple guerre de vengeance à Gaza, doublée d’une épuration ethnique dans les territoires occupés de Cisjordanie. Les états arabes jusque-là en paix avec Israël se rencognent dans la méfiance et la société israélienne se divise chaque jour plus profondément.

Principal adversaire des États-Unis, la Chine, loin d’être impressionnée par l’offensive commerciale américaine, répond coup pour coup, et son économie conserve un taux de croissance très supérieur à celui de ses concurrents, poursuivant son entreprise de domination industrielle sur la planète. Les menaces chinoises sur Taïwan sont toujours aussi prégnantes et Pékin continue son implantation dans les pays voisins et en Afrique.

Cette série record de gaffes, de boulettes et de bévues va-t-elle affaiblir la popularité de Donald Trump et provoquer une victoire démocrate lors des prochaines élections de « midterm »? Pas si sûr. Sur un seul point, la politique Trump pourrait atteindre ses propres objectifs : l’immigration. Au prix d’une violation massive du droit des gens accompagnée d’une diatribe xénophobe permanente, la nouvelle administration a répandu la peur au sein des populations immigrées aux États-Unis. L’armée et la police ont été mobilisées pour procéder à des expulsions manu militari et, surtout, cette politique semble dissuader les candidats à l’entrée aux États-Unis de se présenter à la frontière. Comme la peur de l’immigration est l’un des principaux ingrédients du succès électoral du trumpisme, il est fort possible que Trump conserve ses soutiens. Tel est l’effet cynique du nationalisme. Il a pour carburant, non l’amour légitime de la patrie, mais la haine de l’Étranger. Cette haine étant en voie d’assouvissement par l’écrasement des plus faibles, elle se risque fort de se rallier une nouvelle fois au panache blond de l’Ubu républicain.

Laurent Joffrin