Trump, le climaticide
Le président américain veut pousser tous les feux de la production de pétrole aux Etats-Unis, pour augmenter la compétitivité des industriels américains. L’Europe va-t-elle plier ?

Trump n’est pas un climatosceptique ; c’est pire. « Nous allons déclarer l’état d’urgence énergétique, et nous allons forer, forer et forer encore » : pourfendeur de toutes les stratégies destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre, le 47ème président des Etats-Unis a déclaré la guerre au climat. Et pour que les compagnies pétrolières qui l’ont soutenu pendant sa campagne aient les coudées franches, il va à nouveau sortir les États-Unis de l’accord de Paris signé en 2015 pour limiter le dérèglement climatique et la hausse des températures. Déjà en 2020, lors de son premier mandat, Donald Trump était revenu sur les engagements de son prédécesseur Barak Obama. Avec Joe Biden à la Maison-Blanche, les États-Unis avaient réintégré l’accord… avant d’en sortir à nouveau.
Trump, saison 2 : l’heure n’est plus aux tergiversations. « Forer, Forer et forer encore », alors que les États-Unis, premiers producteurs de pétrole, extraient déjà quelque 19 millions de barils de pétrole par jour, soit le cinquième de la production mondiale. Objectif : exporter des hydrocarbures « aux quatre coins du monde ». Le baril comme arme de conquête et de vassalisation: on se souvient que le nouveau président avait brandi la menace d’un relèvement des droits de douane sur les produits européens au cas où l’Union européenne ne lui achèterait pas massivement des hydrocarbures. Avec le changement d’administration, on n’est plus dans la théorie. La guerre de l’énergie est déclarée.
Le président de retour aux affaires veut surtout faire baisser le prix de l’énergie dans les cinquante états américains, pour que les consommateurs en profitent, et surtout pour que les industriels jouissent d’une compétitivité renforcée. Ainsi, avec une énergie bon marché et le relèvement des taxes à l’importation de voitures étrangères toujours à son agenda, le président compte créer un effet de ciseaux qui profite à l’industrie automobile américaine « qui produira à un rythme jamais vu », promet-il. Avec en corollaire une fermeture du marché aux voitures importées du Mexique, du Japon, du Canada, de Corée du sud et d’Allemagne. À charge, pour les marques qui alimentent le marché américain à partir du Mexique et du Canada, ou qui exportent directement à partir du pays d’origine, de s’installer et de créer de l’emploi aux Etats-Unis pour éviter les droits de douane.
La crédibilité de l’Union en jeu
Première concernée : l’Europe, et notamment l’Allemagne, dont les automobiles de luxe sont appréciées par les acheteurs américains. Quelle sera l’attitude de la Commission européenne, étonnamment silencieuse face aux ingérences américaines ? L’Allemagne représente un peu plus du cinquième de la richesse produite dans l’Union européenne, et l’industrie manufacturière dominée par l’automobile pèse environ 20% de l’activité. Les débouchés à l’exportation de ses constructeurs sont capitaux pour la première économie de l’Union. Continuera-t-elle de jouer la carte européenne sur le plan écologique pour réduire les émissions de ses industriels et favoriser la motorisation électrique? Ou tombera-t-elle dans le piège trumpien ? En déterrant la hache de guerre de l’automobile, Washington place Berlin dans une situation délicate, dans un contexte où l’économie allemande est fragilisée. Inquiétant, d’autant que la Commission a semblé sensible au souci allemand de ne pas braquer l’aigle américain. Au même moment, l’Italie de Giorgia Melonie joue un cavalier seul auprès de Donald Trump, pour ménager ses entrées aux Etats-Unis.
La stratégie américaine s’affiche sans détour : fractionner l’unité européenne, à la fois l’une des plus riches mais la moins intégrée des trois grandes régions du monde, pour s’imposer à elle. Le bras de fer est déjà inscrit dans la stratégie de Donald Trump. Reste à l’Union européenne, déjà défiée à l’est par la Russie, de savoir si elle veut aussi relever le défi qui lui est lancé à l’ouest. Elle joue, en l’occurrence, rien moins que sa crédibilité en tant qu’Union.