Trump : le dingue et les crétins

par Laurent Joffrin |  publié le 07/04/2025

Contre l’avis du reste du monde, Donald Trump donne un grand coup de pied dans l’édifice fragile du commerce international et des économies de la planète. Les crétins qui l’ont soutenu mesurent soudain leur crétinerie.

Laurent Joffrin

« Ne soyez pas stupides ». Cette admonestation insultante a été lancée hier par le président américain, dont la folle politique douanière vient de créer de toutes pièces une crise financière mondiale. Il espère par cet aimable qualificatif dissuader les acteurs de la finance de continuer à vendre leurs actions, plongeant les bourses de tous les pays dans une noire panique.

Au vrai, l’adjectif est juste, mais il ne s’applique par à ceux qui se mettent à couvert sous l’orage, mais à ceux – souvent les mêmes – qui ont rendu possible ces décisions aberrantes : les grands capitalistes américains et les électeurs simples d’esprit qui ont suivi le Panurge de Mar-el-Lago. Avec horreur, les imbéciles, dans un éclair de lucidité, mesurent l’imbécillité de celui qu’ils ont porté au pinacle…

Car leur comportement immédiat, à l’inverse de leur précédent trumpisme électoral, n’a rien de stupide. L’accroissement brutal des droits de douane américains, portés à des sommets inédits depuis un siècle, suivi par les représailles décidées par la Chine et quelques autres, va renchérir les produits de consommation, freiner les échanges, ralentir la croissance et assombrir les perspectives des entreprises, soudain jetées dans un univers hostile et imprévisible. Très logiquement, les actionnaires, petits et grands, se débarrassent des actifs boursiers dont ils anticipent la perte de valeur. Rien de plus rationnel.

Les capitalistes de ce genre, on le sait, ont un portefeuille à la place du cerveau. Aussi, croyant qu’un milliardaire au pouvoir ferait par nature la politique qu’ils souhaitent, ils ont applaudi à l’élection du méga-crétin de MAGA. Pourtant son adversaire Kamala Harris, dans une intervention qu’on peut revoir aujourd’hui sur les réseaux, avait décrit point par point les effets inévitables du choc protectionniste annoncé par Donald Trump. Mais la démocrate, décrite comme une woke échevelée (alors que c’est une centriste), était tenue par l’establishment financier pour une Cassandre incompétente. Elle a prêché dans le désert.

C’est ainsi que quatre jours après l’annonce de la révolution tarifaire, les financiers en sont à demander grâce à leur ancienne idole. Les voix les plus écoutées de Wall Street implorent désormais Trump de renoncer à son credo pour qu’ils puissent reprendre le cours de leur enrichissement continu. Ils réclament, en vain pour l’instant, un moratoire sur les droits de douane. Mais le forcené de la Maison-Blanche est saisi depuis sa réélection d’un vertige de toute-puissance qui le rend sourd à tout conseil. Trahi par l’un des siens, le capital devra donc, selon toutes probabilités, souffrir en silence.

Au profit du travail ? Nullement. La démondialisation longtemps espérée par la gauche radicale (en même temps que par les nationalistes de tous poils), se traduira par une baisse du pouvoir d’achat des couches populaires, par une augmentation du chômage et par une attrition des retraites par capitalisation, qui sont le lot des pensionnés américains. Ceux qui ont financé le candidat Trump et ceux qui ont voté pour lui seront les cocus de l’affaire. Si tout cela n’aggravait dramatiquement les malheurs du pauvre monde, on s’en esclafferait. Mais personne n’est d’humeur à rire.

Laurent Joffrin