Trump, le Méphisto de la droite

par Laurent Joffrin |  publié le 09/02/2025

Comme le personnage de Goethe, Donald Trump exauce sans aucun scrupule les désirs les plus secrets de la droite en échange de son âme. D’où la fascination qu’il exerce sur elle.

Laurent Joffrin

Dans le Faust de Goethe (et de Gounod), Méphistophélès, incarnation du diable, signe avec le docteur Faust un pacte aux termes duquel il offrira à l’intellectuel vertueux et frustré la réalisation de ses désirs les plus inavouables, à condition de disposer de son âme après sa mort. Mythe universel, l’histoire de Faust s’applique parfaitement à la relation de fascination qui unit les droites, en France notamment, avec le personnage de Donald Trump.

Secrètement, la droite rêve sans trop l’avouer d’expulser massivement, manu militari au besoin, ces immigrés clandestins dans lesquels elle voit une menace mortelle pour l’identité du pays. Méphistrump vient d’entamer la mise en oeuvre de cette mesure radicale, au mépris du droit des gens et de toute la tradition américaine.

In petto, la même droite s’exaspère des impôts nouveaux que le gouvernement français a décidé d’instaurer pour tenter de rééquilibrer quelque peu les comptes de la France. Méphistrump a déjà résolu la question : très officiellement, sa politique fiscale a pour but principal de réduire les prélèvements qui pèsent sur les capitalistes américains.

Sans trop le dire, une bonne partie de la droite pro-Netanyahou considère que le nettoyage ethnique de la bande de Gaza est désormais le seul moyen de résoudre l’imbroglio géopolitique noué par l’intempestive présence des Palestiniens sur leur terre de Gaza. Sans s’arrêter aux scrupules qui étouffent les bien-pensants du monde civilisé, Méphistrump a fixé l’objectif : une expulsion massive des Gazaouis. Netanyahou a pris la balle au bond en promettant de le faire lui-même le travail, s’affranchissant ainsi de tous les principes du droit et de toute volonté de trouver un compromis au Proche-Orient.

Une partie de la droite, en France et dans le monde, est horripilée par les contraintes écologiques que savants et militants voudraient imposer au libre marché au nom de la lutte pour le climat. Méphistrump a tranché le nœud gordien : il suffit d’envoyer promener les scientifiques, de décréter que le réchauffement n’existe pas et de libérer ainsi de toute précaution l’exploitation des énergies fossiles.

Les conservateurs du Figaro et de Valeurs Actuelles s’insurgent contre toute revendication d’égalité et de liberté présentée par les minorités sexuelles. Trump a résolu le problème : il lui a suffi d’ouvrir la chasse à toute politique anti-discrimination, taxée de « wokisme » et de « gauchisme autoritaire » pour rassurer sa base et du même coup, tous les réacs de la planète.

En un mot, Trump réalise à la hussarde tout ce que les autres droites, par un restant de décence et de prudence, n’osent pas inclure dans leur programme. Dans l’inconscient des conservateurs, il est le « çà » que le surmoi progressiste parvient encore à contenir, interdisant la jouissance orgasmique à laquelle aspire le subconscient réactionnaire. Dans le roman de Goethe, Méphistophélès finit par être damné et renvoyé en enfer. Il faut craindre que dans la réalité politique contemporaine, il en aille tout autrement.

Laurent Joffrin