Trump, le négociateur désastreux

par Laurent Joffrin |  publié le 18/03/2025

Curieux, cet « art du deal » pratiqué par le président américain. Il consiste à affaiblir le faible et à tout céder à la force. C’est-à-dire à préparer avec énergie la reddition des démocraties.

Laurent Joffrin

Quelle générosité, quelle magnanimité ! Dans un geste de merveilleuse humanité, après avoir conversé longuement avec le président américain, Vladimir Poutine a promis de ne plus bombarder les installations énergétiques de l’Ukraine pendant trente jours. Ce qui revient à dire qu’il se réserve le droit, aux termes du formidable « deal » conclu avec Donald Trump, de bombarder tout autre objectif, de pulvériser tous les bâtiments qu’il voudra hormis les centrales d’électricité et de lancer toutes les offensives terrestres qui lui paraîtront utiles.

En échange, il exige, pour continuer les discussions, que les Occidentaux cessent totalement d’aider l’Ukraine et que le gouvernement de Kiev s’abstienne de « réarmer » ses troupes. Tenue à l’écart de ces négociations, privée de soutien, l’Ukraine doit donc accepter de s’affaiblir continûment face aux armées russes, qui pourront entretemps se renforcer à loisir. Et si les négociations échouent, Poutine aura amélioré sa position tactique et stratégique sans avoir rien concédé. Décidément, ce Trump est un redoutable négociateur !

Au vrai, si l’on se place du point de vue des démocraties, sa tactique est suicidaire. Quand on cherche à arbitrer entre deux pays en conflit pour aboutir à un accord de paix, on tâche en principe de rééquilibrer le rapport des forces entre eux, de manière à faire comprendre au plus puissant qu’il n’a rien à gagner à la prolongation de l’affrontement. Mais cette voie logique et honorable ne cadre pas avec les objectifs personnels du président américain. Il se moque comme de son premier immeuble de l’intérêt des démocraties et des droits du peuple ukrainien. Son seul souci est d’arriver à un cessez-le-feu rapidement, quel qu’en soit le prix.

Pour ce faire, il est bien plus commode d’abandonner à son sort le plus faible des belligérants, de l’humilier et de le déstabiliser, et de satisfaire d’emblée l’essentiel des demandes du plus fort. Ainsi placée à la merci de son ennemi, l’Ukraine n’aura d’autre choix que d’accepter son diktat. Ayant courageusement sacrifié le peuple ukrainien à son ubuesque stratégie, ayant mis à genoux l’ancienne alliée de son pays qu’il a trahie en rase campagne, Trump pourra parader auprès de ses électeurs en clamant qu’il est un faiseur de paix. Telle est la logique des pourparlers en cours : obliger la nation agressée à se rendre à l’agresseur, c’est-à-dire imposer sa défaite pour pouvoir clamer victoire.

Laurent Joffrin