Trump met le feu au marché pétrolier
Sous l’effet d’une récession annoncée, le prix du baril de pétrole plonge. Les producteurs de pétrole américains en seront les premières victimes.

Mécaniquement, quand sonne le tocsin sur les marchés financiers, le prix du baril de pétrole dévisse comme les indices boursiers. Les craintes d’un recul de la croissance mondiale engendrent toujours un repli. Mais lorsque pointent des risques de récession, c’est la déroute. La chute est vertigineuse: de 82 dollars à la mi-janvier, le prix du Brent de mer du Nord est tombé à 63 dollars le lundi 7 avril. Soit 23% de baisse depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, dont 14% sur la seule dernière semaine. Une seule raison : la guerre des droits de douane déclenchée par les Etats-Unis contre le monde entier.
La réplique de la Chine, annonçant un relèvement réciproque des taxes sur l’importation de produits américains, ne laisse planer aucun doute sur la brutalité du bras de fer qui se profile entre ces deux géants du commerce international. Aussi, les pays importateurs d’hydrocarbures auraient tort de se réjouir trop vite de la déconfiture sur le marché pétrolier. Compte tenu de l’amplitude de la baisse, les anticipations de récession sont fortes. Et aucune économie n’a intérêt à un écroulement de la croissance mondiale, même avec un baril bon marché.
Les États-Unis eux-mêmes sont pénalisés. Leur industrie pétrolière, redevenue première mondiale avec 19 millions de barils produits par jour, pâtit de coûts d’extraction trois fois plus élevés que ceux des pays du Moyen-Orient, et même dix fois plus qu’en Arabie saoudite. Sur le marché international, les producteurs américains ne disposent pas des mêmes marges de manoeuvre que leurs concurrents du Golfe Persique. Ils souffriront plus qu’eux de la chute du prix du baril.
Une incertitude extrême règne sur les marchés. Car, à ce stade, l’OPEP qui réunit douze des plus gros producteurs mondiaux et assure 35% des volumes, a prévu d’augmenter sa production de plus de 411.000 barils/jour le mois prochain. Une décision contre-intuitive ! Mais cette perspective risque d’être complètement reconsidérée.
L’équation est subtile. Les pays producteurs n’ont pas intérêt à trop ouvrir les robinets du pétrole afin maintenir les cours à un niveau élevé qui leur assure un maximum de revenus. A ce titre, lorsque le prix du baril est à la baisse, les pays de l’OPEP ont l’habitude d’abaisser leurs quotas de production afin de réduire l’offre et, par-là, de soutenir les cours. Mais à l’inverse, s’ils veulent ralentir la transition énergétique dans les pays consommateurs et entretenir leur dépendance aux énergies fossiles, les pays producteurs n’ont pas intérêt à favoriser une hausse des cours qui rendrait les énergies alternatives plus intéressantes.
En outre, si les producteurs qui forent le sous-sol américain ne peuvent suivre la baisse du prix du baril compte tenu de coûts d’extraction plus élevés, leurs concurrents de l’OPEP peuvent en profiter pour reconquérir des parts de marché. Ces-derniers pourraient donc laisser filer dans l’immédiat une offre mondiale qui serait surabondante. Ceci explique pourquoi l’OPEP, après avoir abaissé ses plafonds de production, s’apprêterait à les déverrouiller. Mais quelle sera in fine la stratégie dans le contexte de récession et de marché en berne?
Pour les automobilistes français, pas de miracle à attendre. Les pétroliers répercuteront la baisse, mais pas avant une quinzaine de jours et de toute façon modérément, le prix du produit n’intervenant que pour le tiers du prix à la pompe à cause du poids des taxes. En revanche, pour la transition énergétique qui ne progresse que péniblement, ce recul du prix du baril ne va pas dans le sens des nécessaires incitations à une économie plus verte. Un point positif : la Russie, troisième producteur mondial, va être affectée dans son effort de guerre par ce repli du prix du baril. D’autant qu’elle doit déjà consentir de fortes ristournes pour trouver des débouchés qui s’affranchissent des mesures de rétorsion dont elle fait l’objet.