Trump-Netanyahou : les dividendes de la guerre

par Pierre Benoit |  publié le 01/07/2025

Les deux vainqueurs de l’affrontement au Proche-Orient doivent maintenant trouver une solution pérenne aux multiples crises qui secouent toujours le Proche-Orient. En prennent-ils le chemin ?

Un panneau d'affichage de la « Coalition pour la sécurité régionale », Donald Trump et Benjamin Netanyahu avec les dirigeants arabes. Au-dessus le slogan hébreu « Un temps pour la guerre, un temps pour le règlement ; c'est maintenant le temps de l'Alliance abrahamique », affiché à Tel Aviv, le 26 juin 2025. (Photo Jack GUEZ / AFP)

Que faire d’une victoire ? C’est la question que se posent depuis une semaine Benjamin Netanyahou et Donald Trump après leur « guerre des douze jours » contre l’Iran. Quelles que soient les conséquences des bombardements sur les centres nucléaires ou les conditions d’un accord avec Téhéran, les deux chefs de guerre ont, une fois encore, un intérêt partagé : comment avancer sur les autres fronts pour redessiner une nouvelle carte du Proche-Orient.

On retiendra bien sûr que Trump a bousculé son comparse Netanyahou le mardi 24 juin au matin pour qu’il « ramène ses pilotes à la maison » afin que le cessez le feu entre en vigueur comme il l’avait décidé. Mais ce n’est pas l’essentiel.

L’essentiel est de reprendre le fil des évènements là où l’épisode iranien l’a laissé. Comme l’a dit sans détour Eyal Zamir, chef d’état-major de l’armée, les forces israéliennes vont se concentrer « de nouveau sur Gaza pour amener les otages à la maison et démanteler le régime du Hamas ».

Après 20 mois de bombardement sans merci, le gouvernement parle toujours d’éradiquer l’organisation islamiste qui avait monté l’attaque terroriste du 7 octobre 2023. En fin de semaine encore les forces israéliennes ont fait plus d’une vingtaine de victimes dont des enfants. Aujourd’hui le blocus humanitaire entre dans son troisième mois. Pour compléter, le ministère palestinien de la santé a sorti un document de 1227 pages qui donne le vertige : cartes d’identité à l’appui, il recense les 55.202 victimes englouties derrière « les portes de l’enfer ». A ce bilan, il faudrait ajouter les disparus anonymes, broyés dans les immeubles effondrés, noyés dans les cratères occasionnés par les bombes. Soit 10.000 personnes supplémentaires au moins.

Au Caire, à Doha, les médiateurs s’activent. La relance des pourparlers entre le Hamas et Israël n’a pas encore de date, mais on la croit imminente. Trump veut toucher au plus vite les dividendes de sa victoire contre l’Iran. Le dernier plan Witkoff avait été rejeté par le Hamas. L’émissaire spécial du patron de la Maison Blanche imaginait un règlement en deux volets : d’abord une trêve de deux mois permettant la libération d’une partie des 49 otages restant aux mains du Hamas en échange de détenus palestiniens, ensuite la transformation de cette trêve en cessez le feu permanent. Refusant de s’engager sur l’arrêt définitif des combats et le départ de Tsahal, Netanyahou avait tout mis par terre, le 2 mars dernier la guerre avait repris. Les formations suprémacistes de son gouvernement n’ont rien lâché sur l’occupation définitive de Gaza.

Aujourd’hui décapité, isolé même après le démantèlement de « l’axe de la résistance » – défaite de l’Iran, affaiblissement du Hezbollah libanais- le Hamas n’a pas été anéanti comme imaginé par Netanyahou. Il aurait même recruté de nouveaux membres et il récuse l’idée de déposer les armes. Toutefois, selon des informations puisées à bonne source, il serait prêt à lâcher le gouvernement de l’enclave palestinienne, pour autant qu’on ne lui demande pas de quitter la scène politique palestinienne.

Pour Netanyahou, le risque est de laisser s’échapper le moment politique singulier dans laquelle se trouve la région. Autrement dit, qu’il se laisse embourber par la situation à Gaza, soit parce que des soldats tombent dans des embuscades, soit parce que les formations politiques représentants les colons imposent une recolonisation de l’enclave qui avait été évacuée, on s’en souvient, voici vingt ans par Ariel Sharon.

L’urgence de faire mouvement pour le premier ministre israélien tient aussi à la dégradation de la situation en Cisjordanie. Les attaques des colons contre les villes et villages palestiniens se répètent au rythme de quatre accrochages en moyenne par jour relève Amnesty International. Cette semaine encore, quatre palestiniens ont été tué dans deux localités, l’une porche de Ramallah, l’autre non loin de Hébron. Des témoins ont vu des unités militaires agir en appui à ces raids organisés. Partisan de l’épuration ethnique à Gaza, le ministre de la sécurité nationale Itamar Ben Gvir n’a jamais condamné l’action des colons et des forces de sécurité en Cisjordanie.

Fort de son succès dans l’affaire iranienne il est possible de Trump bouscule une nouvelle fois son allié israélien pour enclencher une nouvelle phase diplomatique en commençant pas imposer une trêve à Gaza. Depuis sa tournée dans les pays du Golfe et sa connivence affichée avec prince héritier saoudien Mohamed Ben Salman, le président républicain connait la règle du jeu : pour faire bouger les lignes dans la région, il faut désormais passer par la « case Palestine ». La reconnaissance d’un état palestinien est le préalable non négociable à toute perspective de stabilité.

La diplomatie française devrait saisir l’occasion pour remettre en route la conférence internationale à New-York qu’elle entend présider avec l’Arabie Saoudite. La date initiale du 18 juin a été repoussé en raison des bombardements israéliens sur Téhéran. Cette rencontre sous l’égide des Nations Unies ne recoupe que partiellement la vision américaine qui cherche avant tout à remettre en route le processus d’Abraham conduisant à la reconnaissance d’Israël par les pays de la région.

L’initiative franco-saoudienne est plus ambitieuse : il s’agit donner vie à une solution à deux états, de tourner le dos à quatre-vingt ans de guerre, d’entrainer les poids lourds de l’UE dans la reconnaissance d’un état palestinien. Comme le Moyen-Orient, l’Europe est elle aussi à un tournant de son histoire : l’inertie ou le manque de clairvoyance pourrait bien la faire disparaitre des radars dans cette région du monde.

Pierre Benoit