Trump ouvre la chasse aux migrants
La plus grande opération d’expulsion de l’histoire commence. Elle est contraire à toute l’histoire des États-Unis, elle suscite la colère du Mexique et ses résultats sont douteux.

L’expulsion de 12 millions d’émigrés clandestins fait partie des quelques cent décrets signés le 20 janvier dans le bureau ovale de la Maison Blanche. Le 47ème Président américain veut faire du chiffre, il cherche des images fortes pour alimenter les réseaux sociaux et les médias. Frapper les esprits, comme il l’a dit, « avec un tsunami humain sans précédent » sur la frontière sud.
On va voir « la migra », comme disent les latinos en parlant des services de la migration, faire des interventions surprises sur les parkings des grandes surfaces, des bus partir vers le sud avec des expulsés, des postes frontières avec des soldats de la Garde Nationale. Partout où des clandestins sont susceptibles de venir chercher un travail ou une simple activité journalière, l’inquiétude et la peur sera là.
Pendant quelques semaines, quelques mois, le passage des clandestins sera perturbé, on verra des images de cette vague de refoulement, c’est l’essentiel. Elle alimentera la démagogie populiste de la nouvelle administration républicaine et la colère des pays frontaliers à commencer par le Mexique. Un temps, la mafia des passeurs sera aux aguets, le contrôle des tunnels, les trous dans le grillage, les embarcations sur le Rio Grande, sera ralenti ou suspendu. Il y aura aussi des pénuries de main d’œuvre dans le secteur de l’agrobusiness, des services, de la restauration.
Ces désordres n’auront qu’un temps. Le départ de quelques milliers de clandestins va créer un appel d’air pour d’autres clandestins venus chercher un job, des hommes et des femmes qui attendront pendant des années la fameuse « green card » pour travailler. Un mécanisme maintes fois décrit par les économistes. Qu’importe ce mouvement perpétuel, Trump veut faire oublier que l’Amérique est une terre d’immigration et parle « d’invasion » lorsqu’il s’exprime sur les clandestins. Il a aussi l’idée de remettre en cause le droit du sol pour les enfants des migrants nés au Etats-Unis.
Depuis le premier jour de la victoire du candidat républicain, le 5 novembre, le Mexique se prépare. En décembre, le gouvernement annonçait la mise en place d’une application peu commune à destination des migrants mexicains établis aux Etats-Unis : un bouton d’alerte à utiliser en cas de contrôle policier. « Si vous vous trouvez en situation d’arrestation imminente, activez le bouton d’alerte qui envoie un signal au consulat le plus proche », expliquait le ministre des affaires étrangères Juan Ramon de la Fuente. Un message sera expédié aussitôt aux proches de la personne et aux fonctionnaires dans la capitale mexicaine.
Fraichement élu à gauche comme la première femme Présidente dans l’histoire du Mexique, Claudia Sheinbaum organise la riposte pour défendre ses compatriotes. Son pays dispose d’un réseau de 53 consulats répartis dans tous les états de son voisin du nord. Elle coordonne aussi la réaction de ses alliés régionaux, le Honduras et le Guatemala surtout. La promesse de Trump est en effet une provocation énorme pour le Mexique, pays de transit pour toute l’Amérique centrale, mais aussi un défi économique sans précédent : les transferts d’argent envoyés au pays par les migrants dépassent les 66 milliards de dollars et font vivre pratiquement six millions de personnes au Mexique.
Malgré sa fermeté dans la forme, Claudia Sheinbaum n’a pas claqué la porte face au nouveau président américain. Elle s’est dite persuadée que le dialogue prévaudra. Pas sûr qu’elle puisse convaincre Donald Trump qui menace de taxer les importations mexicaines de 25% si elle n’obtempère pas pour briser le flux des migrants. Selon le New York Times enfin, celui-ci pourrait invoquer une loi datant de 1944 sur l’urgence sanitaire, les migrants étant par définition des vecteurs de circulation de maladies contagieuses, comme il l’a déjà dit.
Le nouveau président a déjà manifesté sa volonté de rebaptiser le golfe du Mexique en « golfe de l’Amérique ». Cette posture néocoloniale consistant à gommer une référence préhispanique léguée par l’histoire (Mexico est le nom autochtone de la capitale en langue nahuatl), pour la remplacer par une appellation européenne, sera ressenti comme une insulte par les Mexicains. Cette volonté de réécriture de l’histoire arrive au moment précis où les réseaux sociaux qui font bloc avec le nouveau pouvoir, ont décidé de laisser filer les récits alternatifs au mépris des connaissances historiques avérées. Est-ce un hasard ?