Trump : vive l’ignorance !

par Sébastien Lévi |  publié le 30/05/2025

L’administration MAGA s’est lancée dans une croisade contre les universités du pays. En manipulant grossièrement, au passage, la lutte contre l’antisémitisme.

Le chef de cabinet adjoint de la Maison Blanche, Stephen Miller, s'adresse aux médias à l'extérieur de la Maison Blanche le 30 mai 2025 pour s'élever contre la récente décision de justice qui a bloqué la tentative de l'administration Trump d'empêcher l'Université Harvard d'inscrire des étudiants étrangers. (Photo Kevin Dietsch / Getty Images via AFP)

En 2021, J. D. Vance, alors candidat pour un poste de sénateur de l’Ohio, expliquait que les universités « rendent impossible la victoire des idées conservatrices », reprenant ainsi le propos de Nixon selon lequel « les professeurs sont l’ennemi ».

Vance exprimait tout haut la défiance éprouvée de longue date par le camp conservateur envers les universités, vues depuis la guerre du Vietnam comme des foyers de contestation et de contre-culture. Cette défiance s’est transformée en haine dans le mouvement MAGA de Trump depuis son irruption sur la scène politique en 2015, avec notamment son fameux « j’adore les gens peu éduqués » prononcé lors de la campagne de 2020.

Les manifestations propalestiniennes après le 7 octobre, dont certaines étaient ouvertement antisémites sans être réprimées correctement par ces universités, ont fourni l’angle d’attaque tant désiré par MAGA pour leur régler leur compte. Avec le soutien de certains idiots utiles, Trump a pu se poser en défenseur des Juifs lors de sa campagne de 2024 puis, une fois élu, appliquer son programme anti-universités fait d’ ingérences multiples, d’atteintes à la liberté éducative et de coupes budgétaires.

Le 28 mai dernier, la décision de suspendre tous les visas pour les étudiants étrangers et de surveiller leur activité sur les réseaux sociaux n’est que l’aboutissement de la guerre déclarée à l’enseignement supérieur. Elle permet de conjuguer trois moteurs majeurs du trumpisme: la xénophobie, le rejet démagogique des « élites » et la volonté de mater toute contestation au nom d’une vision autocratique de la société.

Dans cette bataille, la lutte contre l’antisémitisme, plus urgente et nécessaire que jamais après l’attentat de Washington de la semaine dernière, est à la fois dévoyée et banalisée. Si cette lutte est associée à la guerre contre la liberté d’expression et de penser et à des arrestations de militants propalestiniens non violents, elle sera à tout jamais polluée. Si brandir un drapeau palestinien ou écrire un article contre Israël est répréhensible, alors tout le devient. Et donc rien…

Au vrai, la lutte contre l’antisémitisme n’est qu’un nouveau prétexte pour détricoter l’état de droit et mettre à bas les contrepouvoirs. Or cet état de droit a toujours été le meilleur garant de la sécurité physique des Juifs aux États-Unis. Aussi bien, l’accès à l’éducation supérieure a permis leur réussite sociale (60% des Juifs américains ont un diplôme de l’enseignement supérieur contre 30% pour la moyenne des Américains). Il y a donc une ironie douloureuse à voir qu’au nom de la défense des Juifs, Trump s’attaque aux deux piliers qui ont fait des États-Unis une nouvelle terre promise pour les Juifs, selon le mot d’André Kaspi…

Cette instrumentalisation caractérise le trumpisme, qui est prêt à tous les mensonges pour en tirer un gain électoral et renforcer ses pouvoirs. Après l’aide humanitaire suspendue par la fermeture de l’USAid, la liberté des chercheurs rognée, la crédibilité politique et militaire du pays détruite, Trump s’en prend désormais aux universités américaines, qui sont pourtant un aimant pour les jeunes du monde entier, et donc pour les forces vives de l’Amérique du futur.

Trump est ce qu’on appelle en anglais un « con artist », un escroc qui a roulé dans la farine des fournisseurs jamais payés ou les clients de son « université » arnaqués. Mais sa principale escroquerie est d’avoir fait croire qu’il rendrait sa grandeur perdue à une Amérique dont il affaiblit jour après jour, méthodiquement, toutes les institutions qui font sa grandeur.

SEBASTIEN LEVI

Sébastien Lévi

Correspondant aux États-Unis