Tumpie : itinéraire d’un enfant blessé
Une BD retrace les débuts chaotiques d’une icône du music-hall et de la Résistance, Joséphine Baker, dans l’Amérique ségrégationniste des années 30.

Tumpie ? N’allez pas y voir une quelconque allusion à l’actuelle vie politique américaine. Ce surnom, c’est celui que portait, bien avant les plumes et les paillettes, la danseuse Joséphine Baker, dont une bande dessinée entreprend de remonter le fil de l’enfance. Exit la star des Folies Bergère : ici, place à la petite fille noire du Missouri, malmenée par la vie, mais déjà habitée par une énergie irrésistible.
Le récit évite la voie balisée du biopic linéaire pour mieux épouser les soubresauts d’une jeunesse cabossée. On y découvre Tumpie dans les rues de Saint-Louis, courant pieds nus, travaillant dès huit ans comme domestique, confrontée aux violences raciales et sexuelles, comme à la pauvreté. Mais malgré la rudesse du quotidien, la jeune Freda Joséphine ne plie pas : elle observe, danse, et rit pour mieux résister. À chaque revers, elle répond par une pirouette. Et déjà, on sent poindre la future étoile.
Jean-Luc Cornette signe une narration vive, à hauteur d’enfant, sans misérabilisme. Les dialogues claquent, les scènes s’enchaînent avec rythme, et l’humour affleure, même dans l’adversité. La poésie du verbe s’accorde parfaitement avec le trait coloré et sensible d’Agnese Innocente. Son style, doux sans être naïf, capte l’essence du personnage : fragile mais insoumise, drôle et profondément humaine.
La force de Tumpie, c’est son équilibre. Entre dureté sociale et souffle d’espoir, entre le tumulte de l’Amérique ségrégationniste et la flamboyance d’une vocation qui s’esquisse. Sans jamais tomber dans le panégyrique, la BD éclaire avec finesse cette période méconnue de la vie de Baker, où se forgeait déjà la militante autant que la danseuse.
Un album émouvant et accessible, qui rappelle combien la grandeur se construit souvent dans l’ombre.
« Tumpie, la jeunesse tumultueuse de Joséphine Baker », par Jean-Luc Cornette et Agnese Innocente, 128 pages, 22 euros 55, aux éditions Glénat.