Ukraine : la tortue européenne

par Pierre Benoit |  publié le 18/02/2025

Réunis à Paris, huit pays de l’Union ont décidé de réagir aux projets du duo Poutine-Trump. Avec une lenteur inquiétante…

Emmanuel Macron à côté de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et du président du Conseil européen Antonio Costa après un sommet informel des dirigeants européens pour discuter de la situation en Ukraine et de la sécurité européenne, à l'Elysée, le 17 février 2025. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)

Après l’humiliation, la riposte. Le réveil est brutal depuis la trahison de Donald Trump sur l’Ukraine et le retour de Vladimir Poutine sur la scène mondiale. Comment se mettre en ordre de bataille pour que l’Europe ne soit pas exclue des pourparlers de paix sur l’Ukraine ? C’est désormais l’enjeu majeur pour l’Union Européenne après les coups de boutoir de l’administration Trump.

Montée en urgence à l’initiative du président Macron, la réunion du lundi 17 février à l’Élysée, n’avait qu’un objectif : lancer un processus pour remettre l’Europe dans la course, préparer l’après-guerre avec des garanties de sécurité pour l’Ukraine. Le format de ce mini-sommet était original. Les dirigeants français voulaient surtout éviter une réunion à 27 d’où il ne sortirait rien de concret. Les huit pays qui étaient à l’Élysée – dont la Grande -Bretagne malgré le Brexit – représentent environ 65% des dépenses de défense en Europe. Présent également à l’Élysée, le patron de l’Otan, Mark Rutte, et la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

Il n’y a pas eu de communiqué final. La seule déclaration formelle est venue du secrétaire général de l’OTAN. Elle tient en une phrase : « l’Europe est prête et a la volonté de se renforcer, de prendre l’initiative de fournir des garanties de sécurité à l’Ukraine ». Pas de quoi perturber la rencontre de Ryad entre le patron de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et le secrétaire d’état Marco Rubio, une rencontre censée préparer de futures négociations de paix. Lavrov a déclaré par avance que l’Europe n’était pas concernée par cette affaire !

La réunion de l’Élysée était avant tout le coup d’envoi d’un travail diplomatique qui doit fixer, sous le contrôle des Ukrainiens, les grandes lignes de l’accord de paix. Par avance, l’Union Européenne revendique le droit d’en garantir la pérennité avec un système de sécurité crédible. Sur le principe, les pays représentés à Paris sont d’accord, en fait la mise en pratique de cette orientation divise.

Le pacifiste Olaf Scholz estime que les discussions sur la présence de troupes au sol pour sécuriser l’accord sont « hautement inappropriées ». Il n’est pas certain que le conservateur Friedrich Merz, qui devrait lui succéder après le scrutin du 23 février, soit aussi catégorique, mais il ne faudra pas compter sur l’Allemagne pour être moteur dans ce genre d’initiative : le poids de l’Histoire imprime encore les mémoires. D’autres pays comme l’Italie et l’Espagne ont fait connaiître leur réserve devant cette perspective. Même la Pologne n’a pas encore dire oui.

La France, la Suède et la Grande-Bretagne sont favorables à un déploiement militaire pour garantir le futur accord de paix. Paris et Londres ont commencé à ébaucher quelques schémas en ce sens. Dans le même temps, le premier ministre britannique Keir Starmer appelle les États-Unis à apporter « un filet de sécurité » à l’Ukraine. On sent les Anglais à la peine devant le brusque éloignement des USA. Idem pour le premier ministre polonais Donald Tusk qui constate sobrement, « nos relations avec les Etats-Unis sont entrées dans une nouvelle phase ».

L’autre objectif du mini-sommet de l’Élysée était de donner un coup d’accélérateur à l’Europe de la défense. La présidente de la Commission européenne, Ursula von de Leyen officialise une dérogation budgétaire aux critères de Maastricht : désormais les dépenses militaires ne seront pas comptées dans les fameux 3% du déficit habituel. L’implosion en cours de l’Otan lui donne raison, mais l’Europe dépense tout juste 320 milliards d’euros pour ses dépenses d’armements. Elle estime qu’il faudrait atteindre les 500 milliards d’euros pour bâtir une défense européenne solide dans les dix ans à venir. A ce jour, seule la Pologne, qui consacre 4,7% de son budget pour ses armées, s’inscrit dans cette perspective. L’Europe est trop lente, Poutine réarme, il augmente très vite le nombre de ses divisions.

En sortant de la réunion de Paris la présidente de la Commission européenne a écrit sur son compte X que « l’Ukraine mérite la paix par la force, une paix respectueuse de son indépendance ». Mais l’Europe, elle, mérite-t-elle l’Ukraine avec sa volonté farouche d’adopter les valeurs démocratiques du vieux continent ? Brutale, cette question se pose forcément à quelques jours de l’anniversaire de l’agression russe sur Kiev, le 24 février 2022.

Pierre Benoit