Un chimpanzé nommé Robbie
Robbie Williams est une immense star planétaire, ça nous le savons. Que Robbie Williams était un singe, ça nous ne le savions pas.

L’envie de réaliser un biopic avec Robbie Williams en chimpanzé vient, en partie, d’une idée du chanteur lui-même, sur laquelle le réalisateur australien Michael Gracey (« The Greatest Showman », une fantaisie assez réussie autour de Phineas Barnum) a judicieusement rebondi.
Lors des réunions préparatoires de ce biopic pas comme les autres, les deux hommes ont longuement discuté du scénario. « Si vous écoutez les bandes enregistrées de nos conversations, vous entendrez que Robbie se qualifie lui-même de « singe savant ». De là m’est venue l’idée. Cela me semblait la meilleure approche, comme Morgan Neville et Pharell Williams l’ont fait avec « Piece by Piece ». » (un film d’animation réalisé avec des Lego)
Il fallait oser ! Mais Gracey ne voulait pas faire un film que les spectateurs auraient jugé banal. « Je voulais quelque chose qui suscite l’enthousiasme, qui donne aux gens de la profession l’envie de s’y associer et d’y consacrer leur argent et leur talent. Il ne s’agit pas de réinventer les choses, mais plutôt d’oser. J’espère que cela inspirera d’autres réalisateurs audacieux à explorer de nouvelles voies narratives. Qu’ils puissent se dire : « Personne n’aurait imaginé qu’un singe puisse incarner Robbie Williams, et pourtant ils l’ont fait dans « Better Man » ».
L’audace paie, et, de fait, « Better Man » n’est pas un biopic ordinaire. Pourtant, il déroule de façon chronologique un scénario classique. Prenez un petit garçon du nord de l’Angleterre dont le père, médiocre employé, admire Franck Sinatra et rêve lui-même de chanter. Il va d’ailleurs abandonner le domicile conjugal, laissant Robbie avec sa mère et sa grand-mère adorée.
Au culot, Robbie intègre l’un de ces boys band qui fleurissent en Angleterre à cette époque, vite montés dans l’espoir de faire un tube – et plus, si possible. Avec « Take That », Robbie ramasse la mise d’emblée. Ce n’est pas un succès, c’est un triomphe ! Les fans sont hystériques, l’argent coule à flots, l’alcool et la drogue aussi. Robbie succombe, devient ingérable, se rend insupportable auprès de ses copains de « Take That », et finit par être viré.
Il commence alors une carrière solo qui va le mener au sommet de la célébrité, mais il le paiera cher. Ses addictions prennent un tour qui semble irréversible. Alors que ses concerts gigantesques attirent des centaines de milliers de fans, il panique, touche le fond et lutte avec des pensées suicidaires. Une scène très forte le montre, alors qu’il doit affronter 350 000 personnes au festival de Glastonbury, ce que personne n’avait fait avant lui, défoncé, sur un matelas pneumatique au milieu de l’étang qui borde le luxueux manoir qu’il s’est offert et où il vit seul avec ses démons.
D’autres scènes sont d’anthologie comme la séquence « Rock DJ » dans Regent Street qui mobilise pas moins de 500 figurants et qui restera comme un grand moment de la comédie musicale. Mais Michael Gracey ne se contente pas de ces tours de force ; il excelle aussi dans les moments intimes. Quand, par exemple, Robbie – n’oublions pas que c’est un chimpanzé -, courtise et gagne le cœur de la chanteuse des « All Saints », Nicole Appleton, sur l’air de « She’s the one ». Ou comme ces séquences, où Robbie vient chercher refuge et réconfort auprès de sa grand-mère.
Film total, excessif, démesuré, « Better Man » de Michael Gracey surprend. Et séduit.
“Better Man”, de Michael Gracey, avec Jono Davies, Steve Pemberton et la voix de Robbie Williams, 2h14