Un couffin d’avance
Malgré ses promesses pour un grand plan de lutte contre l’infertilité, le Président de la République (qui lui-même n’a jamais été père) ne semble pas voir le lien entre sa politique économique libérale qui pénalise les plus jeunes actifs et le recul du taux de fertilité.
L’année 2024 est la seconde année de baisse du nombre des naissances. Une drôle de coïncidence s’est d’ailleurs faite : sur l’année, on compte 627 895 naissances contre 627 894 décès… Soit une différence d’une seule naissance ! S’il le taux de fertilité se maintenait en 2024 à 1,68 enfant par femme, il baisse sur le long terme : en 2010, une femme en âge de procréer avait en moyenne 2,03 enfants.
La France est historiquement inquiète de sa démographie : le régime de Vichy a initié le « baby-boom », que les Trente Glorieuses ont entretenu. Des caractéristiques nationales ont permis à notre pays de demeurer une exception européenne par son important taux de fécondité, à commencer par la place des mères dans la société. La salarisation des femmes et la valorisation de leur autonomie économique a permis à la France, à la Suède et au Royaume-Uni d’éviter le destin de nations plus machistes. En Espagne, en Allemagne fédérale, en Italie, mais aussi au Japon et en Corée du Sud, les taux de natalité bas sont le résultat du renvoi des femmes à leur foyer après la naissance du premier enfant.
Faut-il s’en inquiéter ? Oui et non. La baisse est due à des critères conjoncturels (inflation, incertitudes face à l’avenir) plutôt qu’à un changement de mentalité total dans la société. Le nombre de mariages se maintient par exemple à 242 000 l’an passé, et le nombre de PACS à 210 000, en hausse constante depuis 2002. Il n’y a pas d’épidémie de solitude en France. Et le pays n’est pas le seul : tous les États industrialisés, à l’exception d’Israël, connaissent une démographie qui ralentit. Les pays riches vieillissent car notre espérance de vie augmente : pour la première fois, celle des hommes Français atteint 80 ans.
La population française ne baisse pas, au contraire du Japon (1,26 enfant par femme), où elle a chuté de 780 000 personnes l’an dernier, soit un peu moins de l’équivalent de la population de Marseille. Cependant, à terme, la baisse du nombre d’actifs non compensée par l’immigration pourrait mettre en danger le modèle social.
Aucun État n’a trouvé la formule magique pour relancer sa démographie durablement. Cependant, des pistes sont évidentes et rejoignent d’autres problématique de justice sociale. La taxation de la succession pourrait remettre sur le marché des logements trop grands pour les couples de retraités qui les occupent, alors que les familles parisiennes s’entassent dans des cages à lapin. La multiplication des places en crèche, la hausse du nombre de pédiatres et l’acceptation plus globale des enfants dans l’espace public sont aussi à étudier.
En un mot, plutôt que de sonder les gamètes des Français, le Président devrait plutôt penser à investir dans leur avenir.