Un court moment de joie

par Laurent Joffrin |  publié le 13/10/2025

La libération des otages détenus dans des conditions atroces par le Hamas entretient la flamme fragile des espoirs de paix. Pour une journée au moins, il faut se réjouir de ce début d’apaisement. La suite repose sur la mise à l’écart des fanatiques des deux bords.

portrait de Laurent JOFFRIN (Photo Philippe-Matsas, 2020)

Avant de retomber dans les affres de l’éternel conflit, il faut laisser parler l’émotion : celle de voir revenir à la vie vingt spectres enfermés deux ans dans les ténèbres d’une captivité inhumaine, affamés, humiliés, maltraités jour après jour, creusant parfois leur tombe sous la férule de bourreaux sadiques. La joie des familles et le soulagement de tout un peuple mettent un peu de baume au cœur meurtri de ceux qui ont suivi dans l’angoisse cette guerre sans loi ni merci.

Une concession du Hamas ? Certes, mais une concession forcée au milieu d’une défaite cuisante, lâchée par des terroristes acculés qui libèrent des innocents martyrisés pour sauver leur peau. Faut-il le rappeler ? La prise d’otages est un crime de guerre commis en toute connaissance de cause par le Hamas et qui vient s’ajouter à la barbarie déchaînée le 7 octobre 2023, tout comme était criminel le bombardement systématique infligé aux populations civiles, en représailles, par l’armée israélienne.

Quoi qu’on pense de Donald Trump, c’est bien lui qui a mis fin – on l’espère – à ce cauchemar planétaire en imposant aux partie un plan de paix certes bancal mais qui vaut mieux, à tout prendre, que l’interminable massacre jusque-là en cours. Serait-il une sorte d’Ubu peroxydé qui mine les bases de la démocratie américaine, cette décision-là doit être saluée à sa juste valeur, pour les familles israéliennes affligés comme pour les civils palestiniens martyrisés.

Une fois passé ce court moment de joie, les implacables lois du rapport de force reprennent leurs droits. En refusant de rendre leurs armes et en prétendant toujours influer sur l’avenir de l’enclave par des méthodes tyranniques, les fanatiques du Hamas mettent déjà en danger la trêve tardivement conclue. De même que le flou savamment entretenu sur la constitution d’une entité palestinienne autonome, seul issue historique possible à cette guerre de quatre-vingts ans, jette une ombre sur l’ensemble du plan Trump.

Pourtant, le silence des armes enfin obtenu entretient la flamme fragile d’un espoir de règlement pacifique. La transition envisagée, sous la férule d’une force internationale à domination anglo-saxonne exhale de forts relents post-coloniaux ? Certes. Nous sommes loin de la solution « à deux états » qui reste l’horizon de tout partisan d’une paix durable. Mais ceux qui dénigrent ce plan -qui a pour seul et grand mérite d’exister – doivent répondre à une question simple : vaut-il mieux, pour les Gazaouis, être dirigés par Tony Blair ou par les émules de Sinouar ? Telle est, en fait, l’alternative qui s’offre à eux. D’un côté une paix frustrante et forcée, de l’autre la reprise des combats. Le dilemme, au vrai, est vite tranché.

Dans ces conflits inextricables, dont on ne sait quand ils peuvent finir, c’est souvent une puissance extérieure, aux motivations douteuses, qui réussit à imposer la fin du massacre. Ce fut le cas en Bosnie et au Kosovo, ce sera peut-être le scénario qui prévaudra au Proche-Orient. Sous cette contrainte militaro-diplomatique, les islamistes, constatant leur échec, abandonneront-ils le projet insensé d’une Palestine « de la rivière à la mer » qui implique l’impensable disparition d’Israël ? Et, symétriquement, les suprémacistes de Jérusalem s’effaceront-ils enfin et, avec eux, le rêve meurtrier d’un « Grand Israël » fondé sur la négation du droit des Palestiniens ? C’est en « tirant le fil » du plan Trump, selon l’expression d’Hubert Védrine, que les partisans d’une paix stable ont une chance de parvenir à leurs fins.

Laurent Joffrin