Un pape de gauche

par Laurent Joffrin |  publié le 21/04/2025

François, qui vient de succomber à l’âge de 88 ans, était-il le pape des progressistes ? On peut en discuter. Mais la franche détestation qu’il suscitait à la droite de l’Église parle d’elle-même.

Laurent Joffrin

Pour se repérer, lisons donc Le Figaro. Le journal est un peu gêné aux entournures, bien sûr… Pas question de critiquer ouvertement le souverain pontife le jour de sa mort, le respect s’impose. Tout est donc feutré, discret et suggéré. Mais le choix des adjectifs, des exemples et le propos des experts interrogés sont d’une clarté limpide.

François, écrit le journal, a « dérouté une partie des catholiques », il laisse « un bilan controversé ». « Son premier déplacement à Lampedusa, continue Le Figaro, a marqué les esprits, notamment en France où l’angoisse d’une immigration invasive flottait déjà. » Ses sorties impromptues, que le journal met au compte des « provocations », ont eu le même effet. Ainsi de sa confidence sur les personnes homosexuelles – « Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? ». « La primauté de la relation interpersonnelle sur toute autre considération, ajoute le quotidien, avait troublé ceux qui considèrent cette pratique sexuelle contradictoire avec le message évangélique. » Le reste à l’avenant, dans un article néanmoins nuancé et retenu qui note les efforts déployés par François pour lutter contre « l’embourgeoisement » de l’Église.

Au total, aucun doute : par sa liberté de ton, par ses options sociales, environnementales, par sa fidélité aux migrants, le pape François a suscité dans la droite de l’Église un sentiment qui va de l’agacement au rejet pur et simple, en passant par l’incompréhension et la méfiance. Un pape de gauche ? La classification politique trouve sa limite s’agissant de religion. Les questions théologiques ou géopolitiques (« le pape du sud global »), sont tout aussi importantes sinon plus. Mais si l’on peut douter du qualificatif « de gauche », on est sûr, en tout cas, que François avait pris ses distances avec la droite de l’Église, notamment avec sa frange traditionaliste qui lui vouait une franche hostilité.

C’est particulièrement clair s’agissant des questions migratoires, sociales ou environnementales, quand on compare ses positions avec celles des national-populistes, xénophobes, pro-business et climato-sceptiques, qui se réclament néanmoins de la tradition catholique. Paradoxe suprême : l’un des derniers à avoir vu le pape vivant est le vice-président américain, J.D. Vance, qui applaudit des deux mains la mise en prison d’un Salvadorien accusé à tort et continue de se réclamer du message de l’évangile…

François, dit-on, a peuplé le futur conclave qui désignera son successeur de cardinaux proches de ses idées. Acceptons-en l’augure. Mais si la pression croissante des plus réactionnaires des catholiques, qui veulent à tout prix se débarrasser de l’héritage de Vatican II, devait aboutir à l’élection d’un pape en accord avec leurs idées, nul doute que les progressistes du monde entier regretteront amèrement le « pape des pauvres et des migrants ».

Laurent Joffrin