Un pape inclassable et une succession mystérieuse
Il incarnait le pape « chéri de la chrétienté » pour certains. Mais son style était aussi fermement contesté par les autres. Le pape François s’est éteint sans que l’on sache à quel saint se vouer.
Chéri ou contesté, l’Argentin Jorge Mario Bergoglio, décédé le 21 avril, laisse une trace si paradoxale qu’il est difficile d’établir un bilan – même provisoire – de son pontificat. Les supputations quant à sa successions sont tout aussi troubles.
Alors bien sûr, l’émotion à l’annonce de son décès ne fait aucun doute. Pour les catholiques du monde entier, mais aussi pour les non croyants. Humble, confiant et communicatif, François savait se faire aimer et se montrer proche du peuple.
Ainsi, on l’a vu participer en février à l’émission de télévision italienne « Che tempo che fa » ( Quel temps fait-il ?) et répondre on ne peut plus sérieusement à toutes les questions de téléspectateurs de La7. Car François aimait rencontrer son « popolino » (petit peuple).
Le 20 avril résonne ainsi comme un adieu lourd de sens. Le pontife a tenu à saluer la foule alors qu’un médecin présent lors de l’événement faisait remarquer qu’il « avait les mains toutes noires », ce qui, à son avis, signifiait que « ses membres n’étaient plus correctement irrigués ».
Jamais dans la hiérarchie catholique un pape n’avait été aussi proche de ses fidèles et semble-t-il si éloigné de son « Parlement » – le monde des prêtres, des évêques et des cardinaux.
Pour ceux qui ont eu la chance d’assister à un de ses petits-déjeuners au couvent de Santa Marta où il avait élu domicile, il était étonnant de le voir arriver à l’aube dans le réfectoire, déposer son cartable, s’approcher de la desserte, attraper un croissant et s’installer seul à une table devant son cappuccino, n’adressant la parole à aucun des membres du clergé.
C’était son style et ce fut sa politique : un rejet clair et net de la Curie. Son amour du « popolino » l’emportait.
Finalement, qu’on l’ait trouvé « rigide » ou « disponible », qu’on l’ait chéri ou contesté, annonce un fait certain : la succession sera difficile. Les plus pessimistes envisagent un Conclave « al buio » – comprenez « dans le noir » – plus des trois quarts des membres du Conclave ayant été nommés par François lui-même, étant peu formés à la gestion de la loi et venant d’horizons on ne peut plus hétéroclites. Imprévisibles, insoumis et peu informés, ils devront pourtant choisir un successeur à ce pape définitivement inclassable.