Un traître nommé Trump

par Laurent Joffrin |  publié le 19/02/2025

Les dernières et orwelliennes extravagances du président américain annoncent le sacrifice de l’Ukraine sur l’autel de la folie MAGA. Méprisés , marginalisés, humiliés, les Européens tentent de réagir. Trop tard ?

Laurent Joffrin

Donald Trump est un dingue vindicatif et dangereux, mais il commande la première armée du monde. Tel le problème effrayant posé par le Néron peroxydé de Washington aux nations qui conservent un tant soit peu de rationalité dans leur action internationale. « Parlez doucement avec un gros bâton », disait Theodore Roosevelt, président yankee impérialiste du début du 20ème siècle. Trump hurle sans cesse en faisant tournoyer son « gros bâton » au-dessus de sa tête, au risque de tuer quelqu’un. L’Ukraine sans doute.

Orwell toujours et encore… Comme dans 1984, les mots ont perdu leur sens et disent le contraire du réel. Quand un candidat affirme et répète que les immigrés de Springfield « mangent des chiens et des chats » et que cette énormité concourt à son élection, tout devient possible. Et donc tout arrive. Dans son dernier message, Trump affirme que l’Ukraine a commencé la guerre en 2022 : tous les autres chefs d’État rappellent que l’agresseur s’appelle Poutine. Le président américain ajoute que Zelensky lui a désobéi et que s’il l’avait écouté, le conflit n’aurait jamais commencé. Mais en 2022, Trump, battu en 2020, n’était plus président. Trump dénonce son homologue ukrainien en affirmant que sa popularité est tombée à 4%. C’est Boris Johnson, pourtant abonné aux embardées verbales, qui corrige le chiffre : selon le dernier sondage, Zelenski est soutenu par 57% des Ukrainiens. Le reste à l’avenant.

En dénigrant la victime au profit de l’agresseur, Trump passe à l’ennemi. La première démocratie du monde trahit les démocraties et vend la ferme et les chevaux à un dictateur. Jean-Yves Le Drian, ancien ministre des Affaires Étrangères, résume la situation : les États-Unis ont renversé les alliances, bouleversant d’un tweet l’échiquier mondial. La suite est programmée : si personne ne se met en travers – et comment faire face à la puissance américaine soudain acoquinée avec la Russie ? – l’Ukraine sera sacrifiée sur l’autel de la folie trumpienne.

On songe à l’empereur d’Éthiopie Haïlé Sélassié, couvert d’insultes par Mussolini qui vient de l’écraser sous les bombes, réduit à prononcer le 30 juin 1936 un poignant et prophétique discours devant la Société des Nations. « Moi, Haïlé Sélassié Ier, Empereur d’Éthiopie, je suis aujourd’hui ici pour réclamer la justice, qui est due à mon peuple, et l’assistance qui lui a été promise il y a huit mois, lorsque cinquante nations affirmèrent qu’une agression avait été commise en violation des traités internationaux ». Cette trahison, ajoute-t-il, conduit le monde à la guerre. Celle-ci commence trois ans plus tard en Pologne. Zelenski devra-t-il faire le même discours dans quelques semaines ?

Voilà nous en sommes. Faute d’avoir aidé assez vite et assez fort l’Ukraine, les Européens, dont le PIB est pourtant six fois supérieur à celui de la Russie, doivent maintenant se concerter en panique pour éviter une défaite calamiteuse, inévitable résultat de la défection de leur premier allié. Est-il encore temps ? L’Union européenne, rejointe par le Canada, semble avoir pris conscience du danger et c’est la Chine, l’ennemi soudain dégrisé, qui prêche pour une négociation plus équilibrée. Il est bien tard…

Laurent Joffrin