Une voix contre Donald Trump

par Valérie Lecasble |  publié le 22/01/2025

L’évêque de Washington s’est élevée dans son sermon contre la politique ravageuse du 47 ème Président des Etats-Unis. En jouant sur la corde sensible en Amérique de la pitié pour les immigrés.

L'évêque Mariann Edgar Budde sous le regard du président américain Donald Trump pendant le "National Prayer Service" à la cathédrale de Washington le 21 janvier 2025. (Photo CHIP SOMODEVILLA / Getty Images via AFP)

Seule femme évêque épiscopale de la cathédrale de Washington, Mariann Budde est aussi la seule à affirmer son courage depuis deux jours que la prestation de serment puis la pluie de décrets pris par Donald Trump ont tracé les contours d’une Amérique devenue sectaire et raciste. Avec ses cheveux courts, sa voix fluette mais déterminée, elle assène à Donald Trump le meilleur sermon que l’on puisse imaginer sur le thème « pitié pour ceux dans notre pays qui ont peur aujourd’hui ». Elle évoque les gays, les lesbiennes, les transgenres et aussi les millions d’étrangers qui vivent en Amérique.

Dernier acte traditionnel de sa fastueuse prestation de serment, Donald Trump a dû venir mardi 21 janvier, entouré de toute sa famille et de ses proches, écouter au premier rang de la cathédrale, le message que Mariann Budde lui délivre avec fermeté. Invoquant les préceptes de l’église, elle démonte sa politique.

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Vous avez évoqué Dieu qui vous a sauvé de la tentative d’attentat que vous avez subie au mois de juillet lui lance-t-elle en substance ; écoutez-le aujourd’hui. « Laissez-moi vous implorer Monsieur le Président… ». Donald Trump qui s’ennuyait ferme jusque-là, relève la tête, désormais contraint de prêter attention à ses paroles.

Elle enchaîne. « Il y a aussi les gens qui ramassent nos récoltes, qui nettoient nos bureaux, qui travaillent dans les usines de volailles ou emballent notre viande, qui font la plonge après nos dîners dans des restaurants et travaillent la nuit dans nos hôpitaux, ils ne sont peut-être pas citoyens américains … ils n’ont peut-être pas les bons documents mais la vaste majorité des immigrés ne sont pas des criminels, ils payent des impôts et sont de bons voisins, ils fréquentent nos églises, mosquées, synagogues, gurdwaras et temples (…) Je vous demande d’avoir pitié, monsieur le Président, de ces personnes au sein de nos communautés dont les enfants ont peur que leurs parents leur soient arrachés, d’aider ceux qui fuient les zones de guerre et de persécution dans leurs propres pays pour trouver compassion et bienvenue ici. Nous avons tous ici été un jour des étrangers ».

Il faut connaître l’histoire de l’Amérique pour savoir à quel point ce type de discours parle au cœur des citoyens qui furent un temps du Nouveau Monde et dont les parents avaient au cours des siècles derniers fuit les pogroms en Russie, la famine en Irlande, les guerres en Europe, sans omettre les nombreux Juifs qui pendant la Shoah se sont réfugiés aux Etats-Unis. La plupart étaient arrivés sans rien ou avec pas grand-chose, dans l’espoir de pouvoir reconstruire Outre-Atlantique une nouvelle vie pour eux et leurs familles. C’est de là qu’est né le rêve américain, celui où tout paraissait possible, où tout pouvait être reconstruit même en repartant de zéro.

Mariann Budde veut faire revivre cette Amérique-là et porter le message à Donald Trump. Seule femme ayant ainsi gravi les échelons de la hiérarchie de l’église, on l’avait vue lors de la première élection de Donald Trump défiler dans Washington lors de la marche des femmes. Elle avait aussi dénoncé l’usage de gaz lacrymogènes lors des manifestations en faveur de George Floyd. « Gauchiste radicale », rétorque Donald Trump qui lui réclame des excuses et celles de l’Eglise. « Expulsons-là », renchérit son ami georgien Mike Collins.

Entre les deux Amériques, celle de Mariann Budde et celle de Donald Trump, la guerre est déclarée.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique