Vive le Groenland libre !

par Laurent Joffrin |  publié le 09/01/2025

En violation de toutes les règles internationales, Donald Trump veut annexer cette grande île autonome liée au Danemark. Voici ses motivations profondes…

Laurent Joffrin

Impressionnés par la puissance américaine, certains affectent de considérer que le président-élu des États-Unis, en dépit de ses innombrables foucades, est animé par une forme subreptice de rationalité qui va au-delà des apparences. Ainsi commentent-ils gravement la dernière lubie trumpienne qui consiste à vouloir annexer le Groenland au territoire des États-Unis.

Certes, l’étude rapide du dossier montre que le Groenland est un territoire contrôlé par le Danemark jouissant d’une très large autonomie ; la plupart des décisions qui le concernent sont prises par un Parlement élu sur place, lequel n’a aucune intention de rejoindre la République américaine, pas plus que le Danemark, présent sur cette grande île gelée depuis environ mille ans. Ainsi l’annexion, si elle devait avoir lieu, se ferait en violation totale du droit international et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Le Groenland, rétorquent les défenseurs de Trump, peut jouer un rôle militaire et économique important. Mais les autres remarquent que les États-Unis disposent déjà, en toute tranquillité d’une base militaire au Groenland, dans l’ancienne Thulé, et qu’ils peuvent, quand bon leur semble, passer des accords d’exploitation minière avec les autorités locales pour se procurer les « terres rares » nécessaires à la fabrication d’objets technologiques.

Ces détails géopolitiques, manifestement, n’ont aucune influence sur Donald Trump, qui a maintenu ses prétentions expansionnistes (déjà formulées au moment de son premier mandat) et qui vient d’évoquer un éventuel usage de la force pour parvenir à ses fins.

Du coup, on se perd en conjectures quant à la motivation exacte de cette soudaine manifestation de l’impérialisme américain. Le mimétisme pourrait expliquer ces déclarations quelque peu baroques. Voyant son rival Poutine s’attaquer à l’Ukraine, Trump pourrait l’imiter et glaner ainsi au Groenland des lauriers militaires qui rehausseraient son prestige. Attaquant la grande île où habitent à peine 50 000 personnes, l’armée américaine aurait probablement le dessus sur la l’armée danoise, même si celle-ci était épaulée par quelques milices inuit.

Le président pourrait pousser la symétrie en recourant au renfort de quelques bataillons sud-coréens qui seraient le pendant des troupes nord-coréennes se battant en Ukraine et qui assureraient la victoire. Voilà qui permettrait de « rendre à l’Amérique sa grandeur » (make America great again) pour le plus grand bonheur des trumpistes du middle-west. Mieux : faute de régler la question ukrainienne « en 24 heures », comme il l’a promis, Trump pourrait régler la question groenlandaise en 12 heures, ce qui serait une spectaculaire compensation.

D’autres suggèrent que la famille Trump projette de construire au sud de la grande île neigeuse un golf aux dimensions moins étroites que celui de Mar-el-Lago, avec un avantage en prime : le président échapperait ainsi à la chaleur accablante qui règne en Floride pour jouir d’un climat plus frais.

D’autres évoquent un projet industriel susceptible d’arrondir les profits de la Trump Organization : construire au bord de la mer de Baffin une usine à glaçons qui bénéficierait de la proximité d’une matière première abondante et peu chère, de manière à ravitailler avec sureté les bars des grandes villes américaines. II est prévu de distribuer aux inuits embauchés à cette fin des casquettes rouges « MAGA » qui les protégeront du froid et permettra de les repérer plus facilement sur la banquise. Cette perspective a déjà fait monter le cours des actions Trump à la bourse de New-York.

D’autres enfin, se demandaient si les électeurs américains n’avaient pas porté un dingue à la Maison-Blanche. Ils sont plus sereins : la chose est désormais certaine.

Laurent Joffrin