Washington et la cinquième colonne
Depuis la résidence de Mar-a-Lago en Floride, Donald Trump et son chef de la diplomatie, Marco Rubio reçoivent ceux qui lui font allégeance en Europe. Parallèlement, Elon Musk, attaque plus vertement les démocraties du vieux continent qui lui résistent. Que faire ?
Le 20 janvier approche, son cortège de déconvenues aussi. Encore qu’à la différence du premier mandat, la couleur est affichée fièrement, sans équivoque possible. Dès lors, la seule question réside dans la capacité à réaliser un programme d’une violence inédite appliquée à la première démocratie du monde comme à ses vieux alliés.
Avant même l’entrée en fonction, des fissures apparaissent. L’aile marchante de Wall Street, notoirement des indices de nouvelles technologies, conquise par le chef de file MAGA, acquiesce pour maximiser ses profits boursiers à la condition de ne pas enfreindre ses vagues de recrutements internationaux. C’est ici que l’autre jambe du trumpisme se fâche. Pour ces gilets jaunes locaux baignés par le racisme ordinaire de leur champion, ne leur avait-on pas prédit la priorité nationale et rien que la priorité nationale, les étrangers hors du pays et des lendemains qui chantent ? En attendant, le Javier Milei d’Amérique du Nord distille les bons points à ses relais idéologiques du vieux continent.
À la manière d’un Ronald Reagan invitant Margaret Thatcher à danser dans le hall de la Maison blanche en novembre 1988, Trump recevait Giorgia Meloni ce dimanche 5 janvier, une « femme fantastique » qui « a conquis l’Europe ». Le 9 décembre, il accueillait le chef de la démocrature hongroise, pour son dernier mois de présidence de l’UE. Une « mission de paix » pour l’Ukraine à en juger par le chef de la diplomatie magyar, Peter Szijjarto, après une visite éhontée en juillet dernier au Kremlin. Si l’on ajoute le satisfecit des MAGA au slovaque Robert Fico, allié de Poutine et la mauvaise valse de Vienne du week-end, contraignant le chancelier conservateur Karl Nehammer à démissionner après l’échec de la constitution d’une grande coalition face au FPÖ d’extrême-droite, on peut légitimement assombrir les vœux de bonne et heureuse année.
Certes, les réactions adviennent, mais au rythme de l’État de droit et d’un personnel politique habitué à naviguer en eau douce. En Allemagne, le chancelier sortant Scholtz a enfin réagi après les insultes répétées qu’il a essuyé de la part du patron de Tesla. De son côté, la Hongrie a vu une partie des fonds européens à hauteur de 1 milliard, confisqués, en application du mécanisme de « conditionnalité ». Autrement dit, les atteintes répétées à l’État de droit ont abouti à une sanction financière – le commissaire à la justice Didier Reynders, évoquant à propos de Budapest « un véritable problème systémique ». Pourtant, face à la déferlante nationale populiste, la digue doit être réhaussée.
Pour enrayer sa dynamique, encouragée par Washington, les forces politiques de l’arc démocratique des États membres sont condamnées à faire front. C’était le sens de la mise en garde de Pierre Benoit dans nos colonnes : « L’Europe en 2025 être ou ne pas être ».
Comme il n’est pas souhaitable de laisser la Pologne seule réaliser l’effort budgétaire de défense à plus de 4% de son PIB, il n’est pas indiqué non plus de capituler en rase campagne comme viennent de le faire les conservateurs, sociaux-démocrates et libéraux autrichiens. Leçon autrichienne ou leçon française, les alliés trumpistes sont à la manœuvre, à la périphérie de l’UE et, désormais, en son centre.
Dans cette situation, et contrairement à la stratégie de démence attisée par LFI, la raison commande à la gauche et aux démocrates, de ne pas fragiliser davantage les institutions, poursuivant la recherche de compromis limités, serrant les rangs pour défendre pied à pied les normes et valeurs européennes contre la cinquième colonne.
