Wauquiez, la boussole perdue

par Yoann Taieb |  publié le 11/04/2025

L’homme qui a toujours refusé de prendre les problèmes de front et de passer les obstacles se voit réduit à proposer littéralement n’importe quoi pour exister. Chose réussie.

Laurent Wauquiez fait un discours en bas de la scène et dans la pénombre en jouant la proximité avec les militants à Montélimar, le 3 avril 2025. Réunion publique dans le cadre de la campagne pour la présidence du parti de droite Les Républicains. (Photo Nicolas Guyonnet / Hans Lucas via AFP)

Redevenu député depuis presque un an, ancien ministre et éternel espoir/fantasme de la droite, Laurent Wauquiez sent que le temps presse à un mois de l’élection à la présidence des Républicains et que, face à un Retailleau à la popularité indécente, il doit frapper fort. Histoire de faire parler de lui, il ne propose rien de moins, dans les colonnes du JDD News, que de déporter, au sens grammatical du terme, les OQTF à Saint-Pierre et Miquelon.

En plus de faire de ce coin français une zone sans importance, camp de rétention à ciel ouvert, au grand dam de ses habitants, il confond tous les OQTF puisque, parmi eux, il y a, certes, des profils dangereux à surveiller, voire à faire emprisonner pour crimes et délits mais, on peut tout aussi bien y trouver un étranger résidant et travaillant en France dont la carte de séjour n’est pas renouvelée ou l’étudiante sans histoire d’un pays exilé. Bref, Wauquiez mélange tout et veut choquer à un mois de l’élection LR, tant il sait que sa victoire sera très compliquée, voire impossible.

Il sait comment marchent les médias. Donc, intelligent comme il est, il déplace la fameuse « fenêtre d’Overton » et rend acceptable dans le débat un propos qui, pourtant, devrait choquer lorsque l’on se fait une autre idée de la France et des principaux libéraux. Après Guantanamo et le travail de la pierre en Guyane, le député auvergnat se dit que le bagne serait une chic idée mais, notre modèle n’est pas celui de la répression du 19ème siècle ou des régimes illibéraux qui sont à la mode.

Facétie de la politique et sens du timing, c’est tout un art, français, que celui d’être à la pointe de la modernité et des paradoxes : songeons que, hier, Macron a annoncé vouloir mettre au Panthéon Robert Badinter le 9 octobre prochain, date anniversaire de l’abolition de la peine de mort.

Boussole perdue

Pourquoi Wauquiez fait-il une telle proposition ? Il panique, voit qu’il est en train de perdre du terrain et d’être distancé par Retailleau dans la bataille pour la présidence LR, donc il va toujours plus loin. Étant donné qu’il a besoin d’être tranchant, il pioche dans les idées les plus tendances, quitte à mettre de côté les principes — en-a-t-il déjà eu ?– pour satisfaire une ambition dévorante. Si, demain, Éric Ciotti propose d’exiler des OQTF sur Mars, Laurent Wauquiez proposera Pluton…

Cette sortie permet de s’interroger sur son étonnante trajectoire politique. Il a démarré en tant que centriste démocrate-chrétien-humaniste chez le père Barrot pour finir par rallier la droite. Il fut un temps où il soutenait Sarkozy et Fillon qui, jamais, n’avaient été aussi loin. Surtout si l’on compare la droite RPR-UMP à cette nouvelle droite qui se dit libérale mais fantasme sur les régimes à poigne.

Laurent Wauquiez a toujours eu une image d’homme faux, peu courageux et planqué depuis ses multiples refus d’obstacle. Il n’est désormais plus sérieux du tout. Pensant que la droite doit vivre et penser par lui, il va trop loin quitte à oublier le simple bon sens, la décence et l’humanisme qui font que nous sommes le pays des Lumières, du libéralisme politique et philosophique. Après sa probable défaite à la présidence de LR, il aura tout le loisir d’y songer.

Yoann Taieb