«Zelensky, ce dictateur sans élection»

par Pierre Benoit |  publié le 20/02/2025

Nouvelle salve d’insultes et de mensonges venant de la Maison Blanche, tandis que les Européens cherchent difficilement la parade.

Le message de Donald J. Trump qualifiant le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy de « comédien » et de « dictateur » s'affichent sur l'écran d'un téléphone portable. Le 20 février 2025. (Photo de Beata Zawrzel / NurPhoto via AFP)

Après les coups de boutoir assénés la semaine dernière par le vice-président américain JD Vance et plusieurs ministres aux européens, Donald Trump prend le relais. Cette fois, le patron de la Maison Blanche cible Volodymyr Zelensky, « ce comédien qui a modérément réussi (…) qui refuse d’organiser des élections ».

Le texte d’une vingtaine de lignes publié par Trump sur son réseau « Truth Social » restera dans les annales. Il confirme le schisme abyssal entre l’administration Trump et le vieux continent. « Dictateur sans élection, Zelensky ferait bien de réagir sans quoi il n’aura plus de pays. En attendant, nous négocions avec succès la fin de la guerre avec la Russie, quelque chose que tous admettent que seul « Trump » et l’administration Trump peuvent faire », écrit-t-il en parlant de lui à la troisième personne.

Personne n’a envie de sourire devant l’hubris du patron de la première puissance mondiale. Dans ces vingt lignes, Trump étrille Zelensky pour avoir « convaincu les Etats-Unis de dépenser 350 milliards de dollars (soit 336 milliards d’euros) pour entrer dans une guerre qu’il ne pouvait pas gagner ». En une seule phrase, deux erreurs patentes : Trump ne veut pas savoir que Poutine a déclenché contre l’Ukraine l’opération militaire la plus importante depuis la seconde guerre mondiale le 24 février 2022. Il donne en outre un chiffre erroné : l’aide américaine depuis l’ouverture du conflit se monte à 114 milliards d’euros pour les États-Unis et 132 milliards d’euros pour l’Europe.

Donald Trump copie désormais le narratif de Vladimir Poutine. Le maître du Kremlin se frotte les mains, la Maison Blanche travaille pour lui. Il n’est plus l’agresseur, mieux encore, c’est Zelensky qui est le fauteur de guerre en voulant se rapprocher de l’Europe et qui est à l’origine de l’élargissement de l’Otan à l’est de l’Europe. Le mépris absolu pour les faits est la base de la vision du monde de Donald Trump. Ainsi les Gazaouis ne sont plus des résidents permanents de Gaza, ni des Palestiniens mais de potentiels touristes qui adoreraient vivre dans une cité balnéaire reconstruite. Ainsi Zelensky devient un dictateur avec un soutien d’à peine 4% des Ukrainiens, comme il l’a écrit, alors que sa cote de confiance s’élève à 57% après trois ans de combat. Un dictateur donc parce qu’il refuse d’organiser des élections dans un pays en guerre où 20% du territoire vit sous occupation, où des millions d’Ukrainiens ont fui à l’étranger.

Jour après jour, on voit le président américain modeler une réalité factuelle à sa main par glissements successifs, au fil des mensonges, pour lancer demain des discussions sur des positions qui paraissent aujourd’hui inconcevables. Soutenu par le flot incessant des réseaux sociaux, le discours doit permettre de renverser l’ordre du réel, comme l’explique Sébastien Lévi dans nos colonnes.

Pendant ce temps, les anciens alliés de Washington donnent l’impression de courir de réunion en réunion, en cherchant leurs mots pour conjurer le sort. Seconde rencontre européenne de la semaine mercredi soir à l’Élysée avec les pays qui n’avaient pas été invités lundi dernier. Dix-neuf chefs d’états ou de gouvernement ont échangé en visioconférence.

À l’issue de la réunion, le président Macron affirme sur X : « la position de la France et des partenaires est claire et unie. Nous souhaitons une paix en Ukraine qui soit durable et solide ». Zelensky rencontrera jeudi Keith Kellogg, l’envoyé spécial de Trump pour l’Ukraine. Il encaisse les attaques en soulignant sobrement que même le plus puissant de ses interlocuteurs doit choisir « d’être avec Poutine ou d’être avec la paix ».

A ce stade de la crise, l’Europe ne peut plus se contenter de paroles. Le troisième anniversaire de l’agression russe, le 24 février 2022, doit être l’occasion d’un rendez-vous exceptionnel à Kiev. Les dirigeants européens devraient s’y retrouver autour de Volodymyr Zelensky.

Pierre Benoit