Zelensky en Afrique
Volodymyr Zelensky a vite constaté, notamment lors des votes à l’ONU, à quel point l’influence russe était importante en Afrique. Conséquences : un grand nombre de pays africains n’ont pas voulu prendre position sur la guerre en Ukraine.
Dès le début de la guerre, Zelensky a bien compris la nécessité d’une offensive diplomatique destinée à endiguer l’influence russe en Afrique. La tentative est forcément modeste, tant les moyens, sinon les arguments politiques, manquent à l’Ukraine.
Il y a toutefois le blé dont elle est une grande productrice et dont l’Afrique est une cliente importante, même si en ce domaine aussi la Russie est une de ses principales concurrentes. Par ailleurs certains pays ont soutenu l’Ukraine dans les instances internationales. C’est donc vers eux que la diplomatie ukrainienne s’est tournée prioritairement ou vers ceux qui étaient tentés par une position de non-alignement.
La première offensive marquante s’est produite en février 2024, quand Zelensky a annoncé la création de six nouvelles ambassades, en RDC, Côte d’Ivoire, Ghana, Botswana, Mozambique et Rwanda. La motivation est claire : « contrer les narratifs russes ». L’inauguration de celle de Côte d’Ivoire a eu lieu peu après, dans une ambiance presque triomphante malgré l’absence du président ukrainien. En même temps, Zelensky a invité à Kiev une forte délégation africaine. Tout cela aurait pu paraître insignifiant aux yeux du Kremlin. Pour autant, Poutine a néanmoins ordonné des frappes sur la capitale ukrainienne, ce qui conduit à un départ précipité de la délégation africaine.
Mais le principal tournant est survenu en février dernier lorsque le président sud-africain Cyril Pamaphosa a dénoncé pour la première fois « l’invasion russe ». Propos surprenants de la part de ce proche de Moscou. Mais ils s’expliquent par le contexte, le rapprochement esquissé entre Trump et Poutine au moment même où les États-Unis enclenchaient la guerre commerciale tous azimuts, y compris contre l’Afrique.
L’effet premier en est une destruction de fait des accords de libre-échange entre le continent africain et les États-Unis concrétisés par le traité correspondant (ou AGOA) dont l’Afrique du Sud était un grand bénéficiaire. En outre, Trump a imposé une surtaxe de 30% sur les importations américaines issues de l’Afrique du Sud. Effet de la vindicte entretenue depuis longtemps par les Républicains contre ce pays, toujours suspecté de liens étroits avec Moscou.
Par ailleurs, l’année 2025 a été marqué par l’accès de la République sud-africaine à la présidence du G20. Même si les États-Unis ont fait mine de se désintéresser de ce regroupement, l’Afrique du Sud y a vu l’occasion de jouer le premier rôle sur la scène internationale, en s’imposant comme médiateur dans le conflit Russie-Ukraine. Damer le pion aux États-Unis en profitant de ses bonnes relations avec Poutine et s’affirmer ainsi comme le champion du grand Sud : telle pourrait être résumée l’ambition de Ramaphosa.
De là, l’invitation surprise de Zelensky à Pretoria, d’autant plus appréciée qu’elle couronne plusieurs années d’efforts diplomatiques. L’impact de cette visite et du dialogue entre les deux hommes a été immédiat. Poutine a déclenché contre la capitale ukrainienne un nouveau bombardement si intense qu’il a obligé Zelensky à écourter sa première vraie visite en Afrique et à rentrer précipitamment.