Qui pour arrêter Trump ?

par Malik Henni |  publié le 10/03/2025

Après un mois et demi de tempête trumpiste, l’opposition peine à s’organiser. Les Démocrates sont des poulets sans tête qui courent au hasard tandis que les capacités d’action de la société civile sont limitées.

Le sénateur Bernie Sanders s'adresse à la foule à l'UW-Parkside le 07 mars 2025 dans le Wisconsin. L'événement est le premier de trois allocutions dans le Midwest présentées sous le titre « Combattre l'oligarchie : où nous allons à partir d'ici ». (Photo SCOTT OLSON / Getty Images via AFP)

Le discours sur l’état de l’Union prononcé par le Président américain devant le Congrès a été le plus long de l’histoire dans cette instance : une heure quarante d’autosatisfecit face à une majorité républicaine conquise. En face, de rares dissidents tentent de se manifester. Un parlementaire a quitté la salle en signe de protestation : le sénateur démocrate Bernie Sanders. Depuis, le socialiste de 78 ans sillonne le pays et attire les foules dans des meetings et des débats avec les électeurs qui refusent de baisser les bras face au trumpisme. Mais il est dangereusement isolé…

Certes, une députée démocrate du Michigan, Elissa Slotkin, ancienne agente de la CIA, a déclaré heureuse d’avoir eu Ronald Reagan et non pas Donald Trump comme président dans les années 1980… Pour le reste, l’aile droite du parti démocrate n’a pas digéré sa défaite. Suivant une stratégie centriste, Kamala Harris avait obtenu le soutien du républicain Dick Cheney et de sa fille. Soutien paradoxal : l’ancien vice-président George Bush avait poussé à l’invasion de l’Irak qui a causé sa destruction. Les Démocrates se sont laissé contaminer par la droitisation des Républicains, sans qu’une stratégie capable d’emporter l’adhésion populaire n’émerge. Entre laisser faire le président pour prouver qu’il est incompétent, et répondre coup par coup, les progressistes sont comme l’âne de Buridan, qui mourut faute de choisir entre boire et manger. En face, les élus républicains font blocs autour de leur chef.

C’est dans la société civile que la résistance commence à relever la tête : les appels au boycott se multiplient, en particulier contre les entreprises dont les patrons soutiennent ouvertement le milliardaire, telles Spotify, Coca-Cola, Milka, Netflix, ou McDonald, avec un certain effet. Mais l’impact de ces campagnes est impossible à évaluer. Elles peuvent même avoir un effet pervers : ce sont surtout les filiales européennes qui pâtissent du boycott, comme en France, où 68% des consommateurs sont prêts à franchir le pas (sondage Ipsos pour la Tribune du dimanche).

Elon Musk cristallise le rejet : les Tesla, autrefois symbole du progrès technologique et de la transition écologique, deviennent des cibles pour les militants progressistes. Des caricatures l’affichant avec son salut nazi font le tour du monde, et son soutien assumé à l’AfD en Allemagne a renforcé les critiques. Les ventes s’effondrent en Europe, avec une baisse du nombre d’immatriculations de 50%, dont 70% en Allemagne ! Mais l’économie américaine n’en souffre guère.

Autre effet pervers : la criminalisation des actions politiques sur les campus américains musèle l’un des principaux centres d’opposition du pays. A ce titre, les interventions musclées des forces de l’ordre contre les mobilisations propalestiniennes de l’an dernier ont brisé les réseaux se solidarité et d’entraide qui rendaient les actions possibles. De toute évidence, l’opposition américaine oscille entre sidération et résignation. Il faudra sans doute attendre les prochaines élections des « midterms » pour la voir émerger. Peut-être…

Malik Henni