Paris : Dati fracture son camp

par Valérie Lecasble |  publié le 12/03/2025

Gérard Larcher part au combat contre la loi qu’Emmanuel Macron veut faire voter pour favoriser l’élection de sa protégée Rachida Dati. La preuve que la candidate LR divise… même ses amis.

Le président du Sénat Gérard Larcher et la ministre de la Culture Rachida Dati assistent au défilé militaire du 14 juillet 2024. (Photo JULIEN DE ROSA / AFP)

Au sein de la droite parisienne, les couteaux sont tirés. Gérard Larcher a pris la tête de la fronde contre l’adoption à la hussarde du projet de loi Paris-Lyon-Marseille, dite « PLM », que Sylvain Maillard, qui dirige le groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, veut faire passer en force le 20 mars prochain.

De quoi s’agit-il ? À Paris, le vote par arrondissement est souvent jugé peu démocratique. Avec le mode de scrutin actuel, un vote de droite dans le 10ème arrondissement, ou de gauche dans le 16ème, ne pèse pas. Le scrutin majoritaire indirect comporte en effet une double injustice. D’abord, le maire d’arrondissement élu rafle la mise et laisse la portion congrue à l’opposition dans son conseil. Au niveau de la ville, ensuite, le nombre des conseillers qui élisent le maire de Paris n’est pas proportionnel au vote de la population parisienne. Il est ainsi tout à fait possible que le ou la maire de Paris soit élu (e) en recueillant moins de voix que son adversaire – même si cela n’est jamais arrivé. Idem à Lyon et à Marseille.

Comme ce mode de scrutin a jusqu’ici profité à la gauche parisienne – et donc à Anne Hidalgo – cela fait des années que l’opposition du centre et de la droite tente de le faire sauter. Il serait remplacé par une loi PLM qui permettrait aux habitants des trois villes de voter directement pour leur maire. Derrière ce souci démocratique se cache un objectif plus trivial : faire élire Rachida Dati, candidate commune des macronistes et du parti LR, seule façon, pensent-ils, de battre la gauche.

Voilà pourquoi Maillard, la voix de son maître Emmanuel Macron, s’efforce de faire adopter ce projet en urgence à moins d’un an des élections municipales. La gauche s’y oppose, bien sûr. Mais le plus cocasse est que l’opposition la plus violente vient … du propre camp de Rachida Dati, en la personne du président du Sénat, Gérard Larcher, pourtant censé la soutenir.

Pourquoi cette colère ? Parce que Sylvain Maillard a si mal ficelé son projet qu’il pourrait empêcher les maires d’arrondissement de siéger au Conseil de Paris, dont ils étaient jusque-là membres. Horrible perspective : ils seraient exclus du lieu où se prennent les grandes décisions et ils ne pourraient plus cumuler leurs indemnités de maire d’arrondissement et de conseiller de Paris.

Pis, l’instauration d’un scrutin proportionnel produit un effet paradoxal : elle favorise la droite à l’échelle de la ville, mais elle réduit le nombre de conseillers de droite dans les 15ème, 16ème et 17ème arrondissements. Or ces conseillers jouent un rôle important dans les élections sénatoriales, où ils sont et votent pour les grands électeurs. Jusqu’à présent, ils assuraient l’élection de quatre sénateurs de droite à Paris : Agnès Evren, Francis Szpiner, Catherine Dumas et Marie-Claire Carrère-Gée, dont la réélection pourrait être menacée par le changement du mode de scrutin aux municipales. D’où la soudaine croisade de Gérard Larcher, qui n’entend pas laisser les modalités de la loi PLM réduire sa majorité au Sénat.

Et Rachida Dati dans tout cela ? Le président du Sénat ne s’en soucie guère. Chacun sait qu’Emmanuel Macron l’a choisie comme candidate à la mairie de Paris. Mais d’autres au sein de la droite et du centre commencent à s’interroger. François Bayrou reste étrangement silencieux, même s’il apprécie Rachida qui a été sa toute jeune conseillère lorsqu’il était ministre l’Éducation nationale. À se demander s’il ne pense pas à la talentueuse secrétaire générale du Modem, Maud Gatel, qui siège depuis quinze ans au Conseil de Paris, où elle préside le groupe depuis cinq ans. Pas encore candidate, Rachida Dati divise déjà son camp, sur lequel plane désormais l’ombre imposante de Gérard Larcher.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique