Wall Street : Trump lève la tempête
On lui promettait la prospérité : la bourse américaine craint maintenant la récession. Face à Trump, deviendra-t-elle un contre-pouvoir ?

Donald Trump tyrannise la bourse. D’abord, en menaçant le monde entier d’une augmentation des tarifs douaniers dont les principaux partenaires des Etats-Unis seront les premières victimes. C’est l’assurance d’une aggravation de l’inflation (déjà 3% sur un an en janvier) et d’un tassement de la consommation préjudiciable aux entreprises. Une douche froide pour Wall Street, après les saillies de Donald Trump contre la politique « inflationniste » de son prédécesseur ! Pire : les États-Unis prêtent le flanc à des mesures de rétorsion des pays visés et à la fermeture de débouchés commerciaux pour les exportateurs américains.
Ensuite, la bourse déteste l’incertitude. Or, avec ses décisions à l’emporte-pièce, ses mesures soudain reportées ou alourdies, ou bien annulées puis rétablies comme il l’a fait avec le Canada, Donald Trump affole les boussoles des opérateurs boursiers, qui ne savent plus sur quelles valeurs investir, selon qu’elles sont ou non affectées par ces foucades incessantes.
Enfin, last but not least, c’est la conjoncture tout entière qui est touchée. Dans un entretien du 9 mars, le président a refusé d’écarter l’hypothèse d’une récession et reconnu que ses réformes pourraient déboucher sur « une période difficile ». Les mêmes opérateurs comprennent qu’un risque non anticipé se profile : alors que la bourse américaine en pleine euphorie avait attiré les investisseurs internationaux, ceux-ci désormais quittent le marché américain, entraînant une baisse des valeurs à Wall Street.
La récession et non la prospérité promise : c’est un signal d’alarme. La santé du marché boursier devait illustrer le succès de la politique Trump. Or le marché se retourne et certains anticipent même un effondrement. Pour l’instant, le 11 mars et malgré un lundi noir la veille, l’indice Nasdaq des valeurs technologiques n’a encore perdu « que » 10% en un mois, à l’image d’Apple ou Microsoft. Mais la fébrilité des boursiers est grande et la volatilité des échanges de plus en plus perceptible, surtout après le flop retentissant de Tesla, l’entreprise d’Elon Musk, qui a perdu la moitié de sa valeur depuis la mi-janvier (soit près de 900 milliards de dollars). Une odeur de soufre plane sur le Nasdaq.
Plus globalement, la bourse de Wall Street est plongée dans des turbulences. L’indice Dow Jones a perdu 10% en un mois et 1,14% sur la seule journée de mardi. Ce n’est pas encore un krach boursier, mais on s’en rapproche. Certaines valeurs de l’indice progressent encore comme dans l’armement avec Lockheed Martin qui gagne 10% en un mois ou Northrop Grumman qui est à 15%, soutenues par la perspective de commandes en provenance d’Europe. Les acteurs de la consommation et de la santé résistent également. Mais les cours des compagnies pétrolières font du yoyo, les compagnies aériennes chutent dans le rouge à cause de l’incertitude sur la demande de voyages et les valeurs financières reculent, à l’image de Goldman Sachs qui perd près de 20% en un mois, anticipant un recul à 1,7% de la croissance du PIB des Etats-Unis en 2025.
Combien de temps les Américains vont-ils accorder leur confiance à Donald Trump? Les petits actionnaires, qui sont aussi des électeurs, sont nombreux et puissants à Wall Street. Les fonds de pension qui gèrent l’épargne des futurs retraités sont fortement investis en bourse. Ils courent après les rendements et ce retournement de la bourse américaine les affecte. Au moment où ses adversaires démocrates semblent terrassés, le président américain va-t-il susciter lui-même une opposition politique par le biais de la bourse ? Ce serai le début d’une autre histoire…