1- La France dans le collimateur

par Pierre Feydel |  publié le 05/05/2024

 Xi Jinping est en France pour le 60ème anniversaire des relations franco-chinoises. Pendant ce temps-là ses espions font preuve d’une rare agressivité sur notre sol

La Chinoise Li-Li Whuang à son procès pour espionnage de son employeur en 2005, l'équipementier automobile français Valeo. Valeo a déposé une plainte "intrusion illégale dans une base de données" - Photo PIERRE VERDY / AFP

Les services de renseignement européens l’ont dénoncé à plusieurs reprises. La Chine déploie des ressources colossales pour façonner les opinions à l’approche des élections, espionner les économies et les entreprises, pénétrer les institutions et l’université. On dénombre en République populaire plus de 77 organismes de renseignement privé ou public : du ministère de la Sécurité d’État, le fameux Guoanbu, jusqu’aux sociétés comme Huawei, spécialisée dans les technologies de la communication et de l’information qui possède sa propre agence d’espionnage industriel.

Combien sont-ils ? 200 000… un million à travers le monde ? Personne n’en sait rien. Que représentent les arrestations effectuées et les opérations dévoilées par rapport à l’ensemble de leurs activités : 10 %… 60 % ? Personne n’en sait rien non plus.

Sur le territoire français , les agents chinois s’activent depuis un bon moment. En 2005, une étudiante, Li Li Whuang est arrêtée à la fin de son stage chez Valéo, le premier équipementier français de sous-traitance automobile. Chez elle, les enquêteurs trouvent six ordinateurs et des disques durs qui contiennent une grande quantité de documents confidentiels. Les services alertent les politiques qui, à l’époque, ne s’émeuvent pas outre mesure. En 2006, le dirigeant de l’entreprise de semi-conducteurs Omnic est accusé par la DGSI d’avoir transféré des technologies aux Russes… et aux Chinois.

Le dragon à mille têtes

Peu de temps après, un haut cadre du groupe aéronautique EADS qui entretient des relations avec une très séduisante Chinoise est mis en garde par les militaires de la Direction du renseignement de la défense. Il n’en tient pas compte. Jusqu’à ce que les agents français découvrent dans les bagages de la dame des documents confidentiels de l’entreprise française. En décembre 2017, deux anciens fonctionnaires de la DGSE qui profitent de leurs voyages à l’étranger pour rencontrer leurs officiers traitants du Guanbou sont interpellés. Ils espionnent depuis des décennies.

En 2018, La DGSI et les experts de l’Anssi (le gendarme français de la cybersécurité) découvrent que le spécialiste de l’ingénierie Expleo a été pénétré. Expleo travaille pour Airbus. L’agresseur est APT10, un groupe de hackers de haut vol qui travaillent pour les services chinois. À la même époque, les mariages très nombreux de jeunes Chinoises avec des militaires basés en Bretagne, une région-clé qui abrite la base des sous-marins nucléaires dans la rade de Brest, intriguent les services de sécurité de la Défense nationale.

Ces jeunes femmes paraissent très intéressées par les militaires ou les ingénieurs nucléaires de l’École nationale supérieure des techniques avancées, basée à Brest. « Hirondelles » chinoises, séduisants diplomates ou ingénieurs, hackers s’introduisant dans le système des industries, des centres de recherche des universités, tout est bon pour récolter du renseignement. Aujourd’hui, les services de l’État sont très en alerte. Mais que pèsent-ils face au dragon à mille têtes ?

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire