14 juillet : la fête est gâchée
Fierté des militaires, mais peur des politiques, cette année, le cœur n’y est pas
Les premiers instants sont forcément magiques. Neuf Alpha Jet de la Patrouille de France en formation Big Nine ( Grand Neuf) ouvrent le défilé. Panaches bleu-blanc-rouge aux couleurs du drapeau français se répandent dans le ciel, symbole du lien entre l’Armée et la Nation. Frisson garanti dans l’assistance.
Le retour de la guerre sur le sol européen est dans tous les esprits. Le courage des soldats ukrainiens face à l’invasion russe a inspiré le slogan « nos forces morales ». Invoquant les « qualités de résilience, de résistance, de courage et du sens de l’engagement dont ont fait preuve nos aînés », le gouverneur militaire de Paris insiste sur l’importance de la cohésion nationale en cas de conflit à haute intensité.
En guise de tableau final, la Résistance française est invoquée célébrant il y a 80 ans la mort de Jean Moulin.
Forte de ses alliés, la France fait défiler quinze pays auprès des militaires français. L’Inde, invitée d’honneur à l’occasion de son 25e partenariat stratégique avec Paris, a expédié 240 de ses militaires, menés par Narendra Modi, le Premier ministre ultranationaliste indien dont la venue est controversée – «tout sauf un ami des droits de l’homme »- dénoncent ses opposants.
Qu’importe ! Tout est réglé au pas cadencé de nos soldats. Sauf que cette année, la fête est gâchée. Car après les émeutes, le gouvernement, par peur des débordements, a mobilisé 130 000 policiers et gendarmes pour encadrer les festivités. Comme lors des émeutes, il déploie 45 000 d’entre eux les soirs des 13 et 14 juillet. Et s’assure qu’à 22 heures, plus aucun tramway ni bus ne circulera.
Un décret validé par le Conseil d’État interdit dans tout le pays la vente, le port et le transport « d’engins pyrotechniques », utilisés comme des armes, les fameux mortiers d’artifice lors des violences urbaines.
Aux craintes des ministres s’ajoute le traumatisme des maires dans toutes les banlieues d’Île-de-France qui ont annulé leurs feux d’artifice par crainte d’un nouvel embrasement. À Nanterre où a été tué Nahel ; en Seine–Saint-Denis, à Bagnolet, Aulnay-sous-Bois, Rosny-sous-Bois ; au sud-est de Paris, à Maisons-Alfort, Charenton-Le-Pont, Saint Maurice ; dans l’Essonne , à Draveil, Savigny-sur-Orge et Vigneux-sur-Seine….
Pour ne pas envenimer le climat, Emmanuel Macron a renoncé à s’adresser aux Français à la télévision le 14 juillet comme ses prédécesseurs, arguant du fait que les cent jours de sa nouvelle feuille de route ne sont pas encore écoulés… ce sera pour le 27 juillet.
Étrange fête nationale en vérité. La fière parade des armées côtoie les craintes en tribune des élites politiques. Deux 14 juillet au final qui expriment d’abord un sentiment de malaise national.