1793, un blocage des prix désastreux

par Pierre Feydel |  publié le 19/07/2024

Le blocage des prix est toujours une tentation pour améliorer le pouvoir d’achat. Une forme d’économie dirigée qui est rarement une réussite. 

Jean-Marie Collot d'Herbois Archives Snark / Photo12 via AFP

Le 29 septembre 1793, la Convention vote, en pleine Terreur, la loi du « maximum général » qui bloque les salaires et les prix. Il s’agit de donner satisfaction aux « sans culottes », qui s’indignent des pénuries et proclament « la guerre aux accapareurs ». Un an auparavant la Commune de Paris avait fixé un prix maximum autorisé pour certains produits vendus dans la capitale. Le 4 mai suivant, la Convention étendait le système à tout le pays, avec une loi du maximum pour les grains et les farines.

Le 26 juillet, sur la foi du rapport de Collot d’Herbois, membre du Comité de salut public, la Convention vote un décret contre les accapareurs des denrées et marchandises de première nécessité. Ces commerçants qui ne déclareraient pas les marchandises qu’ils ont en stock risquent la peine de mort. Le 19 août, le maximum est étendu aux combustibles. Le 11 septembre, le prix du grain taxé est le même pour tout le territoire national. Il est de 14 livres le quintal plus les frais de transport.

La loi du « maximum général » couronne cet édifice de règlementations. La crise des subsistances est permanente sous la Révolution. La pénurie est organisée sciemment par les spéculateurs qui font exploser les prix. La dépréciation de la monnaie, des assignats n’arrange rien. Ce dernier texte fixe des prix maximum pour 39 articles : viande fraiche et salée, lard, beurre, huile douce, poisson salée, vin, eau de vie, vinaigre, cidre, bière, sel, sucre, miel… À ces produits alimentaires, il faut ajouter : bois de chauffage, charbon, chandelle, savon, potasse, papier blanc, cuirs, fer, fonte, acier, cuivre, chanvre, lin, toile… jusqu’au tabac.

« Toute personne vendant ou achetant au-delà du maximum était frappée d’une amende et inscrit sur la liste des suspects. Une antichambre de la guillotine. »

Les prix maximums pour les denrées de première nécessité sont supérieurs d’un tiers aux prix de 1790. Les salaires sont au maximum de 50 % supérieurs au niveau moyen de 1790. Toute personne vendant ou achetant au-delà du maximum était frappée d’une amende et inscrit sur la liste des suspects. Une antichambre de la guillotine.

Cette politique fut une véritable catastrophe. Les paysans dissimulaient leur récolte pour ne pas être contraints de la vendre à vil prix. Les spéculateurs se ruèrent sur les denrées pour acheter tout ce qu’ils pouvaient et le stocker. Il s’en suivit une terrible pénurie. Certaines villes organisèrent un rationnement, agrémenté d’un système de dénonciation des contrevenants. La Convention voulut imposer par la force les assignats. Les réquisitions appliquées au blé permirent de nourrir la population des grandes villes en pain de mauvaise qualité à des prix supportables.

Mais la loi du Maximum fut mise en œuvre par la répression. Emprisonnement et guillotine punirent les réticents. Le mécontentent populaire qui en résultat fut un des facteurs de Thermidor. La veille de Noël 1794, un décret abolit brutalement le prix maximum sur les denrées. Aussitôt, Les prix s’envolent. La valeur des assignats par ailleurs émis en énormes quantités, s’effondrent. Une désastreuse expérience d’économie dirigée.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire