1940-1945 : bombarder les civils… à quoi bon ?

par Pierre Feydel |  publié le 19/04/2024

Ukraine, Gaza, la souffrance des civils n’apporte aucun gain militaire réel. Sous les bombes nazies ou alliées, villes et populations ont été réduites en cendres. Pour rien…

Dresde après le bombardement allié. Vue de la tour de l'hôtel de ville au sud avec l'allégorie de la bonté, sculpture d'August Schreitmüller. FotothekDresden.

La Bataille d’Angleterre commence en juillet 1940. Dès la défaite française, des hordes de bombardiers allemands se ruent dans le ciel anglais, pilonnant les bases de la Royal Air Force, clouant au sol les chasseurs. Les Britanniques sont aux abois. Une erreur ennemie va les sauver.

Le 20 août, un Heinkel 111 largue par erreur une bombe sur Londres. Son objectif était une raffinerie sur la rive nord de l’estuaire de la Tamise. Cinq jours plus tard, en représailles, la RAF mène son premier raid contre Berlin avec succès. Furieux, le Führer ordonne alors à la Luftwaffe d’attaquer les villes du Royaume-Uni. Grave erreur tactique. En délaissant les bases, il permet aux escadrilles de Spitfire et de Hurricane de souffler, reconstituer pilotes et appareils qui leur permettront de vaincre.

En même temps, Bomber Harris lance des campagnes de bombardements stratégiques qui frapperont lourdement, de 1940 à 1945, les populations civiles, faisant des centaines de milliers de victimes. Jusqu’en mai 1941, Les Britanniques subissent le « Blitz ». À Londres, le Palais de Buckingham, la Cathédrale Saint-Paul, la Chambre des communes sont atteints. Birmingham, Manchester, Plymouth subissent des destructions.

Coventry est très violemment frappée. Au point que la propagande allemande invente un néologisme « conventriser » pour qualifier l’état d’une ville rasée. En 9 mois, on déplore 43 000 morts et 90 000 blessés graves. Jamais, pourtant, le moral des Britanniques ne faiblira. Y compris lorsque Londres subit les attaques de la bombe volante V1 ou du missile V2 à partir de juin 1944. C’est trop tard. Les « wünderwaffen », « les armes miraculeuses » ne sauveront pas les nazis.

Dès 1942, les alliés ont, eux, entamé une terrible campagne de bombardements sur les villes allemandes dès 1942. Le 14 février, la directive n° 22 du « Bomber command » précise clairement que les attaques sont destinées à briser le moral de la population civile et « en particulier des travailleurs de l’industrie. » Lübeck, Rostock, Cologne, Mayence, Nuremberg et bien sûr Berlin sont ravagées . Le 24 juillet 1943, l’opération « Gomorrah » sur Hambourg tue 40 000 habitants et en blesse gravement 80 000 autres. Les raids sont incessants. Le 13 février, Dresde « la Florence de l’Elbe » est rayée de la carte : 25 000 morts.

Les alliés utilisent des bombes au phosphore lequel s’enflamme au contact de l’air créant des langues de feu qui pénètrent même dans les caves et les abris et transforment en torches vivantes les habitants. Après la guerre, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, les critiques sont nombreuses et virulentes. Des « crimes de guerre » sont évoqués. Sir Arthur Harris, maréchal de l’Air, chef du « Bomber command » britannique surnommé « Bomber Harris » tentera bien de justifier les massacres de population civile : « Les nazis sont entrés dans la guerre avec l’illusion enfantine qu’ils allaient bombarder tout le monde, mais que personne ne les bombarderait…Qui sème le vent récolte la tempête. »

Les villes allemandes ont été certes écrasées, mais les Allemands ne sont pas brisés. Et l’industrie produit plus d’armes à la fin de la guerre qu’au début : le grand massacre des civils n’a servi à rien. Les 6 et 9 août 1945, Nagasaki et Hiroshima sont vitrifiées chacune par une bombe atomique. 175 000 civils japonais morts. Ce carnage contribuera à arrêter la guerre.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire