Fête du 1er mai: après la mobilisation, le temps des négociations

par Valérie Lecasble |  publié le 01/05/2023

Quand le travail renoue avec sa fête. Toujours la révolte dans les cortèges mais pas la révolution. Malgré les violences des casseurs, le 1er mai a renoué avec la tradition. Valérie Lecasble a suivi le cortège

France, Paris, manifestant vêtu de rouge, du mouvement de la commune de Paris, avec un bouquet de muguet dans la poche, lors de la manifestation du 1er Mai. Photo Sandrine Mulas / Hans Lucas

iAvec sept fois plus de manifestants que l’an dernier, les syndicats sortent grandis de ce 1er mai, CFDT en tête qui, par la voix de Laurent Berger, reprend le chemin des négociations.

« Chantons la casserole, vive le son de l’union ! ». Sur l’air de la Carmagnole, une bande de camarades professeurs, pianistes, chanteurs, poètes, donnent dès le trajet en métro, le ton de l’ambiance rebelle et bon enfant de la foule qui se rend à la manifestation du 1er mai à Paris.

Ils sont venus étudiants, actifs et retraités, de tout âge et de toute origine, seuls ou en famille, dire non. Non aux 64 ans, non à Emmanuel Macron dont ils réclament symboliquement la démission sur un immense débardeur déployé pour l’occasion sur la statue de la République, point de départ du cortège vers la place de la Nation.

Deux ou trois policiers pour surveiller dans le métro, quelques gendarmes pour ouvrir les sacs avant d’accéder à la Place de la République, la foule discute, échange, rigole. La révolte est toujours là, palpable. Pas la révolution.

C’est une première depuis quinze ans, tous les syndicats défilent ensemble réunis. Les ballons orange de la CFDT suivent de près les troupes de la CFE-CGC elles-mêmes groupées derrière le cortège de la CGT élancé en premier. « Tous ensemble », mais séparés par des cordelettes tendues par les services d’ordre. Le carré de la CFDT est le plus festif, celui de la CGT le plus revendicatif.

Sur le trajet, le Parti socialiste dispute à la France Insoumise les demandes d’adhésion. Quelques élus arborent leur écharpe tricolore. Attac distribue des tracts et des nostalgiques brandissent l’’effigie de Che Guevara. Ah ! Commandante, reviens !

Plus froide, l’agence de notation Fitch figure en bonne place sur les pancartes comme pour prouver que l’échec de la réforme des retraites n’aura pas suffi à empêcher la France d’être dégradée. Standard & Poors, sa grande sœur, est citée, elle dont le verdict est attendu avec appréhension dès la mi-juin.

782.000 manifestants en France, selon le ministère de l’Intérieur, contre le record d’1,28 million le 7 mars : ce n’est pas le raz-de-marée espéré, mais cela reste un succès pour un 1er mai . ( De son côté, la CGT revendique 2,3 millions de manifestants). Un jour dont on se souviendra. Qui aura permis de renouer avec la bonne vieille tradition de la fête du Travail. N’en déplaise aux black-blocs, casseurs, qui malgré leurs violences n’auront pas réussi à briser l’ambiance du cortège principal .

Même si, avec 540 interpellations, 406 policiers et gendarmes blessés pendant des heurts à Paris, Nantes, Angers et Lyon, Gérald Darmanin parle d’un « violence rare » et Elisabeth Borne juge «inacceptables » les « scènes de violences », réelles, en marge des manifestations.

Ce succès conforte, une fois de plus, les syndicats – treize fois d’affilée en trois mois, ils ont su mobiliser et tenir leurs troupes- et leur octroie les armes de la négociation pour mettre une pression légitime sur le gouvernement.

Voilà pourquoi Laurent Berger a déjà confirmé que, oui, il ira dès cette semaine discuter avec le gouvernement sur le « pacte de la vie au travail » incluant le partage de la valeur dans l’entreprise. Sophie Binet, pour la CGT, campe, elle, sur son refus. Ce qui laisse à la CFDT tout le loisir de récupérer son traditionnel flambeau de la négociation.

Une forme, là aussi, de retour à la tradition syndicale. Chacun retrouve son pré carré, les vaches seront bien gardées.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique