3/Giorgia Meloni: « femme, mère et chrétienne »
Elle a parlé haut et fort mais se fait discrète, part en guerre contre les institutions mais respecte l’Europe et soutient l’Ukraine. Elle a fondé les « Frères d’Italie », d’extrême-droite, admire Mussolini mais continue à accueillir les migrants, se défend d’ être post-fasciste et se voit menacer sur sa droite par Salvini le dur. Entre dame de fer et dame de feutre, qui est Giorgia Meloni?
Giorgia, en vraie Romaine, aime aussi fort qu’elle déteste. Elle n’aime pas la gauche, c’est sûr, qui pour elle, est et restera pour toujours une « gauche caviar » dont elle dénonce la « violence culturelle outre que physique ». Elle a écrit : « Pendant que la gauche chantonne dans la rue, nous nous sommes au boulot pour faire gagner des sous aux Italiens ».
Elle est ainsi parvenue à faire en sorte que la fête du Travail, traditionnellement marquée à gauche, soit cette année quasiment sans couleur. Elle reproche au centre gauche «l’exclusion du filon postfasciste de l’arc constitutionnel pendant 50 ans », c’est-à-dire le refus de prendre en compte, même au niveau parlementaire, les suffrages et les élus venus d’extrême-droite. Comme elle, par exemple.
Elle n’apprécie guère la magistrature, qui refuse son projet de « séparation des carrières », dans un pays où – contrairement à la France – on peut passer librement de la fonction de juge au Parquet.
Et Marine Le Pen ? Vu de loin, elles sont sœurs d’extrême droite. Erreur. Giorgia ne l’aime pas. Elle ne supporte pas son inclinaison « nationale – patriotique » et sa conviction de la supériorité du « modèle politique français ». D’extrême-droite peut-être, mais incorrigible franchouillarde !
D’ailleurs, son modèle institutionnel se veut différent. Pour alimenter la réforme italienne, Giorgia Meloni la Romaine propose le renforcement du rôle de Premier ministre plutôt que l’élection au suffrage universel du Président de la République. Et se méfie des diktats bruxellois en matière de justice, comme la directive communautaire qui invite l’Italie à ne pas modifier le délit d’« abus de pouvoir » alors que Meloni voudrait le supprimer .
Sans surprise, elle, « femme, mère et chrétienne », n’aime pas non plus les féministes revendicatives, les fans de la procréation assistée -illégale en Italie – les bisexuels et les LGTB. Et elle passe aux actes: en mai dernier, elle envoie une circulaire gouvernementale à toutes les municipalités pour leur demander de ne plus inscrire le parent non biologique des enfants issus de PMA (procréation médicalement assistée) ou de GPA (gestation pour autrui) sur les actes de naissance qui mentionnent deux mères. Emoi.
Détail ? Oui, parce ce que, bien au-delà des « j’aime » ou « je n’aime pas », ce qui tourmente le plus « la Giorgia » et menace la stabilité de son gouvernement, tient, paradoxe, à son principal allié, Matteo Salvini, puissant patron de la Ligue, capable de rendre compliqué toute prise de décision.
Il est son partenaire politique, aux deux extrêmes du même bord, elle est au sommet, il pourrait-être son compère, son complice, voire son ami ?
Il n’en est rien. Plutôt un concurrent idéologique, fort en gueule, la face noire de l’Italie, un pousse-au-crime politique, sorte de fantôme mussolinien sans le génie du Duce, l’homme en noir qui invite Giorgia à le rejoindre au bord du précipice.
Et lui, pour elle, qui est-il ? Un repoussoir ou une tentation ?