3 – Le nouvel État-providence

publié le 18/01/2024

Le Lab de la social-démocratie vient d’élaborer un « programme fondamental » intitulé Le Pouvoir d’Agir, qui vise à rénover les idées de la gauche réformiste en France. LeJournal.info a décidé de publier cette semaine les principales réflexions issues de ce travail collectif. Aujourd’hui : revenu et travail

D.R

La social-démocratie, c’est la justice sociale. Encore faut-il que les voies et moyens de cette ambition soient adaptés aux réalités mouvantes de la société française. Sur ce principe, le « programme fondamental » a élaboré un plan qui repose sur quatre piliers, destinés à assurer aux plus défavorisés une protection nouvelle, plus équitable et plus conforme à l’objectif commun : assurer à chacun un « pouvoir d’agir » sur sa propre vie, qui est la condition de l’émancipation. 

Il s’agit d’abord de lutter contre cette plaie essentielle des sociétés contemporaines : la scandaleuse persistance d’une extrême pauvreté, qui place la partie la moins favorisée de la société dans une condition indigne. Pour y remédier, le programme propose d’établir un « revenu de base » garanti sans condition à tous les membres du corps social. Il se distingue du « revenu universel » avancé ici et là, dont le montant n’est pas finançable et risque de rendre l’inactivité aussi attractive que le travail. 

Ce revenu minimal « de dignité » sera versé automatiquement à tous ceux qui en remplissent les critères d’attribution, alors qu’aujourd’hui un tiers des bénéficiaires potentiels en sont privés faute de se soumettre à des démarches complexes et humiliantes. Il sera également étendu aux jeunes de 18 à 25 ans qui sont aujourd’hui exclus du mécanisme. Il sera enfin simplifié, en réunissant les allocations existantes et en s’intégrant, par un système d’impôt négatif, à la fiscalité sur le revenu. 

Il s’agit ensuite de renforcer les services publics, qui forment le patrimoine de ceux qui n’ont pas de patrimoine, de manière à promouvoir l’accès de tous aux services de santé, d’éducation ou de sécurité, sans disparités de territoire ou de milieu social. Cet effort supplémentaire sera soumis à une évaluation collective, de manière à renforcer son efficacité sociale. Cette évaluation sera assurée conjointement par les agents et par les usagers, de manière à garantir le bon usage des fonds publics collectés par l’impôt.

Ces dépenses nouvelles, tout comme celles qui découleront de la mutation écologique ou du renforcement des services publics, seront financées par une réforme fiscale d’ampleur. Il s’agira de taxer mieux les patrimoines élevés et les revenus du capital, non en alourdissant outre mesure les charges qui pèsent sur les entreprises, mais en frappant directement les actionnaires bénéficiant de dividendes et de plus-values élevés, et en réformant la fiscalité de l’héritage pour les classes les plus prospères. 

La social-démocratie ne croit pas à la « fin du travail ». Elle estime au contraire que l’ouvrage de femmes et des hommes porte en lui un espoir d’accomplissement personnel et de progrès collectif. Comment financer les services publics, la mutation écologique, la santé pour tous, l’éducation démocratique et bien d’autres choses, sans un effort commun constant et efficace ? 

Encore faut-il que le travail soit valorisé et retrouve son sens. Le pouvoir d’achat sera la priorité de tout gouvernement de gauche, qui repose sur une meilleure répartition de la valeur ajoutée dans l’entreprise, et sur la compétitivité de l’économie française. Mais il devra être complété par la réforme du statut des salariés. Le nouveau projet social-démocrate favorisera la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise par un système d’incitation fiscale et sociale. Il renforcera surtout, de manière radicale, le pouvoir des travailleurs dans l’entreprise, en portant à 50 % leur représentation dans les conseils d’administration, d’abord pour les plus grandes sociétés, puis, progressivement dans les moyennes et les petites. Ainsi le travail pourra retrouver sa valeur et son sens, en associant les femmes et les hommes aux décisions qui gouvernent leur avenir professionnel.